L’hiver, les particules fines, mon envie de retrait, me tiennent à la maison, au chaud, loin du bruit et de la fureur du monde. Un monde toujours aussi violent n’en déplaise aux « c’étaient mieux avant ». Mémoire courte ou même absence totale de mémoire qui me glace. Alors, sans me complaire dans les ornières de l’Histoire, enfant de la paix, je continue d’explorer les plis sanglants de ce siècle où je suis né.
L’Espagne donc, celle d’une guerre sans merci, matrice des tactiques militaires de l’armée de Hitler, de l’impuissance des puissances dominantes de l’époque : Grande-Bretagne et France, Blum et Eden, la SDN, de l’indifférence des USA de Roosevelt, de la main de fer de Staline seul pourvoyeur d’armes et d’hommes d’une République traversée par les oppositions sanglantes entre les anarchistes, les trotskystes, les communistes, les socialistes et l’évanescence de son Président Manuel Azaña, de l’ambition implacable de Franco.
Et puis, dans ma pile j’ai retrouvé une bande dessinée : Sur les traces de Garcia Lorca de Carlos Hernandez et El Torrès.
« En suivant un dédale de récits et témoignages de personnages qui ont partagé un moment de la vie (et de la mort) de Federico Garcia Lorca, l'auteur nous promène de Grenade à Madrid, de la Havane à New York, de fêtes en débats, en souvenirs et réflexions. L'oeuvre, construite en une série de saynètes volontairement désordonnées du point de vue chronologique, parvient à recréer dans une atmosphère très intimiste, un portrait très réel et réaliste de celui qui fut l'un des plus grands poètes d'Espagne, volontairement sacrifié par les phalangistes qui purifiaient ainsi le pays d'un rouge doublé d'un homosexuel. Né à Grenade en 1972, Carlos Hernandez Sanchez est essentiellement connu en Espagne pour son travail d'illustrateur dans la presse quotidienne et particulièrement le journal Ideal, auquel il collabore depuis 1994. Auteur de plusieurs livres pour enfants et romans graphiques, à ce jour, il n'a jamais été publié en France. »
Les conditions de la mort de Frederico Garcia Lorca pèsent sur la mémoire collective des espagnols, il est une forme de symbole de la folie meurtrière qui s’était emparée de ce pays lors d’une guerre civile aux multiples facettes dans chaque camp. Ses œuvres ont été interdites jusqu'en 1953 en Espagne franquiste. « Du silence sépulcral dans lequel la dictature de ses assassins a tenté de le bâillonner, remplissant de vide nos cahiers et livres d’écoliers, nous sommes passés à la lumineuse réappropriation de la démocratie, le cri jubilatoire de nous savoir ses contemporains, ses compatriotes, ses héritiers moraux et vitaux. »
Mais celui que l’on qualifie d’auteur le plus universel de l’Espagne du XXe siècle, a été transformé en condiment indispensable à toutes les sauces. « En Grand Inévitable. » À force d’être tant aimé il a été asphyxié, occulté derrière une rhétorique de mythe. Qui était Lorca ? L’Homme, le poète, le peintre, le dramaturge, née dans une famille bourgeoise et libérale d'Andalousie, lié d'amitié avec Salvador Dalí, Luis Buñuel et Sanchez Mazas, l'un des initiateurs de l'art moderne en Espagne. Il a su allier l'héritage du folklore, la tradition populaire au romantisme, au symbolisme et aux mouvements d'avant-garde des années 1920, laissant une oeuvre originale et inclassable. Bien que n'ayant jamais eu d'engagement politique, il avait beaucoup d'amis que l’on peut qualifier de gauche, si tant est que la gauche puisse être cernée dans l’Espagne Républicaine, il était opposé au fascisme et à la guerre et en humaniste s'est engagé auprès des plus démunis.
Reste le mystère de sa mort, qui a tué Garcia Lorca dans la sombre nuit du 16 au 17 août 1936 ? À leur descente de la Buick décapotable rouge cerise où ils venaient de parcourir leurs derniers kilomètres à travers la campagne « granadina ». Vers quatre heures du matin, à la lumière d’une lune voilée par les nuages, le sergent Mariano Ajenjo Moreno, chef du peloton « au caractère froid, apte à fusiller », a placé ses hommes en ordre pour l’exécution. Armés de fusils Mauser et de pistolets Astra, on leur avait promis 500 pesetas et de monter en grade. Une fois les corps tombés à terre, les militaires eux-même les auraient jeté dans une fosse creusée là, peut-être pour trouver une source d’eau fraîche, raconte l’historien.
Sur les cadavres, l’un d’eux aurait lancé la béquille du maître d’école. »
Mais étaient-ils les vrais responsables ?
Miguel Caballero, historien originaire de la région de Grenade, où est né Lorca, et auteur de l’ouvrage qui vient de paraître en espagnol, « Les Treize dernières heures de la vie de Garcia Lorca » donne sa version des faits.
Mais je ne vis pas cloîtré, je garde mes fenêtres ouvertes sur le monde et j’empile, un peu à la volée, les réflexions des uns et des autres sans pour l’heure les hiérarchiser. Le temps viendra où je pendrai le temps de de carafer, décanter, en espérant qu’il en restera quelque chose.
La gauche sociale-libérale est morte par Raphaël Glucksmann
« Il était jeune, beau, charismatique. Il parlait aux masses, bousculait les élites, trouvait avec une facilité déconcertante les mots, les intonations, les gestes que François Hollande recherchait désespérément. Le futur, c’était lui. Mais rien n’y a fait. La vague de défiance qui submerge des démocraties occidentales vieillissantes l’a emporté comme les autres. Le fringant Matteo Renzi a été balayé en une journée. Il ne sauvera pas la gauche sociale-libérale européenne.
Rien ne la sauvera d’ailleurs, car elle est déjà morte. Les sondages flatteurs d’une autre étoile "progressiste", Emmanuel Macron, n’y changeront rien : la crise politique, idéologique, philosophique du social-libéralisme surpasse les questions de casting. Elle révèle – paradoxe terrible pour une gauche dite "moderne" – une profonde inadéquation à l’époque. La "modernité" d’hier est devenue ringarde. Que s’est-il passé ?
Aux origines de la débâcle
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Hanouna, Heidegger et le langage par Jérôme Godefroy
Au siècle des Lumières, si quelque chose avait soulevé chez vous une simple indifférence, vous auriez dit comme Voltaire : «peu me chaut». Vous auriez alors utilisé élégamment le verbe défectif «chaloir». Au siècle de Cyril Hanouna dont les lumières sont plus tamisées, on dit : «je m’en bats les couilles». Cette expression virile fait partie du vocabulaire de base des jeunes Français de notre début de XXIème siècle. Même les jeunes Françaises, pourtant dépourvues des attributs nécessaires, l’utilisent à qui mieux mieux. Il suffit de tendre l’oreille à la sortie d’un lycée ou à l’entrée d’un fast-food pour s’en convaincre.
Il n’est pas question ici de jouer au vieux con et de déplorer la disparition de tournures désuètes. Les langues évoluent sans cesse. L’argot, les patois, les emprunts, les particularismes ont toujours forgé notre manière de communiquer avec des mots. Aucune langue n’est figée. C’est l’usage qui commande. Nous avons aussi toujours jonglé avec différents niveaux de langage : on ne s’adresse pas à son patron comme on parle à un vieil ami.
Une partie de la nouvelle génération risque malheureusement d’être condamnée à un seul registre de langage, le plus rudimentaire, celui qui ne permet pas les nuances et l’expression de la complexité. Bref, la langue Hanouna.
On évalue à environ 200.000 le nombre de mots de la langue françaises dans les encyclopédies les plus touffues. Le Petit Larousse contient 35.000 mots. Le français élémentaire compte environ 3000 mots. Combien Cyril Hanouna et son jeune public en utilisent-ils ? Je me suis posé la question à l’occasion d’un événement récent.
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Désinformation et fragilité des démocraties Le Temps
La guerre de l’information est au cœur de la doctrine militaire russe. Les démocraties sont mal préparées à la riposte.
« Cette bataille-là n’a rien de virtuel. Amplifié par les réseaux sociaux et la blogosphère, un flot de désinformation envahit l’espace médiatique européen, menaçant de plus en plus le débat démocratique. Manipulation des faits, théories du complot, diffusion de mensonges créent la confusion, brouillent la réflexion, fragilisent le travail journalistique et, en définitive, sapent la confiance des citoyens dans leurs institutions.
Cette propagande – ou guerre psychologique –, mettent en garde des responsables européens de la sécurité, est en partie pilotée par le Kremlin à travers deux vecteurs principaux, Russia Today et Sputnik. Son but? Affaiblir l’UE et l’OTAN en divisant leurs membres afin de mieux faire valoir les intérêts de la Russie. Moscou peut compter dans ce combat sur de précieux relais en Europe: les forces nationalistes et conservatrices. Leur combat est «civilisationnel». C’est surtout un choc de valeurs politiques, donc idéologique. »
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Éric Fottorino : « Face au pouvoir de l'argent, celui des journalistes est faible »
L'ancien directeur de la rédaction du Monde et président du directoire du groupe La Vie-Le Monde livre son regard sur l'état de la presse en France. Pour Eric Fottorino, le conflit majeur qui s'est déroulé à I-Télé doit être analysé à la lumière de l'histoire de la presse, et souligne la faiblesse économique du tissu médiatique hexagonal. "Une faiblesse qui permet ce genre de prédation" et menace, in fine, l'édifice démocratique. Sans indépendance financière, aucune indépendance éditoriale totale n'est possible, assure-t-il, mettant en avant l'aventure entrepreneuriale et journalistique de l'hebdomadaire le 1, qu'il a fondé. Et porte une attention particulière à l'essor de ces "startups médias", qui structurent, affirme-t-il, l'univers médiatique des 30 prochaines années.
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Michel Wieviorka : « Les comportements politiques sont très gazeux »
Le sociologue Michel Wieviorka, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, s’insurge contre un système politique daté.
Paris Match. Que dit le succès de la primaire de la droite avec ses plus de 4,2 millions d’électeurs sur notre rapport à la politique ?
Michel Wieviorka. Les Français sont passionnés par la politique et iront voter massivement à la présidentielle. Ils sont mieux informés. Grâce à internet, à la démultiplication des médias classiques, aux réseaux sociaux, ils accèdent à toutes sortes d’information. Ca permet plus de réflexion et plus de débat. On voit les faiblesses du personnel politique, ses contradictions. La langue de bois ne marche plus comme avant. Mais la perversion, c’est la théorie du complot, la paranoïa. Les paroles classiquement légitimes ne le sont plus : on n’a plus confiance dans les hommes politiques, dans les journalistes, on se méfie des intellectuels et les propos des enseignants pèsent moins lourd que ce qu’on va trouver sur internet.
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Henri Guaino : « La droite n’aurait-elle rien de plus sérieux à proposer qu’une politique obéissant à la même inspiration que celle de Laval en 1935 ? »
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