C’était le Noël 2009 :
« Enfant, le temps de l’Avent, celui où nos mères, la mienne et Madeleine Remaud celle de ma seconde famille, se rendaient à Nantes dans la C4 de Louis le boulanger, le mari de Madeleine, pour acheter aux grands magasins Decré, les cadeaux de nos petits souliers.
La fiction du Petit Jésus – pas de Père Noël dans notre Vendée, c’eut été un sacrilège – dura fort tard, nous étions en ces temps reculés de gentils niais qui fumaient des P4 en cachette tout en croyant aux contes de Noël. Nous ne roulions pas sur l’or, mais les cadeaux furent toujours bien choisis : le dictionnaire de Monsieur Champagne (une chronique de 2006, un scooter Vespa à pédales, rien que du bonheur.
Mais le point culminant restait la veille de Noël avec la confection de la crèche et du sapin de Noël. Mon grand frère Alain – je l’embrasse fort, c’est son premier Noël sans sa Danielle –, avec son compère Jean Cantin, allaient couper des petits sapins en forêt. Moi j’allais ramasser de la mousse : de la verte et de la blanche, des branches de houx et de fragonnette pour le décor de la crèche. Le papier faux rocher, la grotte, les petits chemins en sciure, Marie et Joseph à genoux, le bœuf et l’âne, les bergers, les moutons, l’étoile en haut du sapin, les boules et les guirlandes... Il régnait à la maison une atmosphère légère et douce. Mais le must restait la messe de Minuit.
Comme mes plus fidèles lecteurs le savent, déjà ambitieux comme pas deux, j’étais enfant de chœur et pour nous, la Messe de Minuit, constituait un grand moment.
En effet, qui donc cette année entonnerait le Minuit chrétien ? Gégène, l’organiste aveugle, adepte du gris que l'on roule, qui bramait comme un vieux cerf poussif ?
Quelqu’un venu d’ailleurs ?
Un vaillant Mothais bravant Gégène ?
En effet, celui-ci n’appréciait pas la concurrence et, lorsqu’un audacieux se risquait à lui piquer l’interprétation du Minuit chrétien, il enrageait et, pour marquer sa colère, soit il poussait l’accompagnement à l’harmonium comme une formule 1 ou le laissait languir à la Richard Clayderman. La troupe d’enfants de chœur se poilait sous le regard courroucé du curé doyen. Moi, en dépit des interprétations calamiteuses, les paroles du Minuit Chrétien me tiraient des frissons, me nouaient les entrailles : comment ne pas se sentir ému par « l’heure solennelle » par ce « Peuple à genoux qui attends sa délivrance... », tressaillir face au courroux de Dieu le père, et puis transporté par le « Peuple debout... » tout ça pour effacer la tache originelle, ça valait le coup de chanter la délivrance en matant pendant la communion en tenant le plateau sous les mentons pointés, les langues tendues, de quelques beautés locales, dont certaines ne baissaient même pas les yeux, ce qui donnait toute sa force au péché originel que j’avais hâte de consommer. »
Allez, place au Minuit chrétien !
La version de Tino Rossi pendant la drôle de guerre à Noël 1939 est 1 collector absolu.