Cette chronique pourrait apparaître à certains d’entre vous comme futile puisqu’elle traite de la façon de s’habiller d’un politique qui semblait être réduit à rester dans l’ombre d’un mentor, Joël Le Theule puis Philippe Séguin et enfin Sarkozy.
Ce n’est pas mon avis, j’ai toujours estimé que le vêtement était une seconde peau, une peau choisie qui traduisait très bien la personnalité d’un individu qu’il soit homme ou femme publics ou une simple connaissance.
J’assume ce regard porté sur, sans pour autant en rester à cette impression, car dans notre société du paraître l’image démultipliée par les réseaux sociaux joue un rôle important dans la perception des citoyens-électeurs.
Pour preuve :
« Souvent traitée de « niaise » par ses confrères à cause de son approche à priori naïve des politiques dans Une ambition intime, Karine Le Marchand pourrait avoir une influence plus importante qu'il n'y paraît sur les Français. En effet, d'après François Fillon, gagnant surprise du premier tour de la primaire à droite, sa participation à l'émission de M6 le 6 novembre a « incontestablement » joué en sa faveur. « Si j'en juge par le nombre de réactions, c'était énorme", déclare ainsi le nouveau favori des Républicains au Parisien mardi 22, regrettant toutefois "les anecdotes sur les pâtes aux saucisses qu'il m'arrive de cuisiner le soir en famille... »
Voilà pour la justification de ma chronique dominicale en ajoutant que mon goût pour les beaux vêtements est le fruit de ma jeunesse passée dans le fil à faufiler de ma couturière de ma mère à feuilleter ses revues de mode.
Je me lance.
Au cours de ma longue carrière, pendant quelques années, PDG de la SIDO, le balcon de mon bureau du 3e étage d’un bel immeuble fin XIXe, donnait sur l’avenue Victor Hugo. À l’heure du déjeuner il m’arrivait souvent de me rendre dans un repaire d’indigènes du XVIe.
Ainsi, venant du 7e arrondissement, haut lieu de l’aristocratie terrienne de vieille souche, j’ai pu en ethnologue amateur observer deux populations de ce que nous appelions en 68 : les bourges. D’un côté, les de vieilles souches et de l’autre les nouveaux riches singeant les premiers, en un raccourci les cottages normands face aux adeptes du bling-bling de Deauville.
Les conversations des tables voisines, occupées majoritairement par des dames et de jeunes nappy, me fascinaient par leur futilité : le coiffeur, l’esthéticienne, les pilâtes, les robes et les godasses qui vont avec, les rallyes, les maris… les amants… la maison de campagne…
L’ennui érigé en mode de vie.
Je ne caricature pas, les BCBG, genre vieux comme le monde, sociotype indétrônable, fleure toujours bon les WE à la Baule, les parties de chasse, le pull sur les épaules, le bridge, le thé, et autres nombreuses joyeusetés.
François Fillon, avec ses costumes sur mesure parfaitement ajustés, ses vestes Barbour de gentleman-farmer, ses chaussettes rouge cardinal : des gammarelli, ses mocassins Weston… ressuscite un ultra-classicisme vestimentaire qui ne peut que ravir à la fois la France des beaux quartiers et celle des hobereaux de province
.
Nous voilà à des années-lumière du bling-bling de Nicolas Sarkozy, des cravates de travers et des costumes boudinés de François Hollande, le député de Paris affiche de la retenue dans son allure, avec un zeste d’ennui qui sied bien à son air de cocker triste. Avec lui le dress-code est étudié, soigné, avec ses vestes matelassées Barbour, ses costumes à rayures sur-mesure et sa veste forestière Arnys…
« Il est si lisse qu'il en devient solennel. Ça offrait un bon contraste avec les cyclistes de Sarkozy quand il était à Matignon. Un côté « propre sur lui » et « premier de la classe » qui reflète l'idée d'une bourgeoisie qui se doit d'être discrète » estime Serge Carreira, maître de conférences à Sciences-Po qui reconnaît à Fillon une élégance classique révélatrice « d’une rigidité et d’un conformisme, d’un environnement social et d’un mode de vie conservateur. »
Dominique Gaulme, journaliste co-auteure du livre Les habits du pouvoir (éd. Flammarion), elle le perçoit comme « un des rares hommes politiques français très bien habillés »
« Juppé est bien habillé, mais comme un haut fonctionnaire, passe-partout, correct mais ennuyeux. Fillon, ça n'est pas du tout ça. Il a une élégance à l'anglaise, mais avec un truc très français: c'est un coquet. »
Si l'esprit britannique est par exemple perceptible dans les choix de tissus de ses costumes « il n'y a plus que les hommes de loi anglais et les banquiers de la City pour porter des rayures tennis » s'amuse-t-elle les couleurs neutres et la veste forestière Arnys ancrent François Fillon dans la campagne française.
On l’imagine facilement chasser à courre le renard avec de vieux lords ou tirer le perdreau à Rambouillet. Son atterrissage dans le 7e arrondissement traduit bien ses choix vestimentaires : un pied en ville, l’autre à la campagne : dans son château bien sûr. L’image du gentleman-farmer qui va de temps à autres serrer la main de ses braves fermiers de Sablé.
Soigné mais sans les excès d’un Balladur boudiné dans ses costars Savile Row, le sieur Fillon qui sait appareiller des cravates à motif et des chemises à rayures, affiche une maîtrise personnelle de son habillement qui traduit bien son côté je me fiche de la mode, je sais ce qui me va. Ce côté, c’est bien le seul, me rapproche de lui, en effet de ma vie je n’ai jamais laissé le choix de mon habillement à qui que ce soit.
Mais ce qui a polarisé les regards du bon peuple de nos campagnes et des beaux quartiers c’est sa veste Arnys, c’est « un look d'initié » décode Serge Carreira.
Arnys, rue de Sèvres, je n’y suis entré qu’une seule fois avant que le magasin ne soit remplacé par le chausseur Berluti, encore un mauvais coup de LVMH cher Pax , non que j’eusse l’intention d’y acheter quoi que ce soit mais parce que ce cher Henri Nallet, mon Ministre, imitant son idole François Mitterrand, s’y habillait : la veste Arnys se situait dans la continuité de ses vestes Mao du temps de l’INRA.
Le costume sur mesure de chez Arnys coûte la bagatelle de 6000 euros.
Pour l’anecdote les fameuses chaussettes rouges de François Fillon, les Gammarelli connues pour approvisionner les cardinaux du Vatican, prennent chez lui une forme de transgression un peu potache et constitue pour moi une réelle faute de goût.
Mais par-delà une apparence assumée, très élégance année 50, arrimée aux valeurs du passé, conservateur un poil réactionnaire, un cocktail bien habillé d’Antoine Pinay, la rigueur et les larmes, et de Georges Pompidou, la bourgeoisie de monsieur Thiers dixit Henri Guaino.
Élégance à l’anglaise certes mais de là à comparer l’ex-Droppy à la dame de fer il y a un pas que je ne franchirai pas car nous sommes en pays gaulois, braillard et versatile et parce que passer de l’ombre à la lumière va le surexposer.
Donc, attendre et voir, la route est encore longue pour cet ex-second avant de monter les marches de l’Élysée…
Pour la toute petite histoire, il y a quelques années je suis allé, pour faire plaisir à une jeune amie croisée dans le petit monde du vin, je me suis rendu à son mariage au Lude. Extraordinaire plongée dans un petit monde étroit de hobereaux un peu rancis. Sitôt la cérémonie j’ai fuis la garden-party, cette France-là n’est pas la mienne mais elle existe mais je ne suis pas sûr qu’elle représente l’avenir de notre vieux pays.
Que sera, sera…