Je savoure avec une délectation gourmande la prose d'un heureux élu, au sens biblique du mot, que dis-je du maître, extrême pointe de la crème des goûteurs de nectars rares, lorsqu’elle dresse le palmarès des dix chefs d’œuvre éternels du dieu cabernet-sauvignon.
Découvrir ce palmarès un peu plus bas !
C’est beau comme l’antique, sauf que cet exercice d’une vanité rare, si l’on prend la peine de lire le commentaire sous chaque nectar choisi, est d’abord un monument érigé à la gloire de celui qui le pratique.
Bienheureux les privilégiés qui sont invités aux saintes tables !
Je m’explique : dans le domaine des arts, jusqu’au 7e, les chefs d’œuvre éternels marquent notre histoire, intemporels, permanents, visibles de tous, et s’il est possible d’en dresser un palmarès, exercice bien sûr purement subjectif, l’accès à ces pièces uniques est libre : n’importe qui peut vérifier du bien-fondé ou non du choix de l’autorité classifiante.
Dernier en date de ce genre d’exercice, d’accès facile pour le plus grand nombre, Les 100 meilleurs films de l'histoire selon Télérama.
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Explications des ex de la Bonne Presse de mon enfance :
« Un top 100 qui, pour les journalistes votants, a viré au casse-tête, comme Pierre Murat vous le raconte ici. Quand on adore un réalisateur, on voudrait citer tous ses films. C’était évidemment impossible – mais alors, lequel choisir ? Pour que la liste soit la plus pertinente possible, il ne fallait pas se limiter aux films hollywoodiens et français – vous verrez que l’Italie, le Japon, et la Russie autres grandes terres de cinéma, mais aussi la Turquie ou Hong-Kong sont également représentés. Nous devions aussi couvrir le plus possible les cent vingt ans de création du 7e art : impossible d’établir un top 100 sans au moins un classique du muet, ni un film réalisé au cours des cinq dernières années. Il ne fallait pas négliger les documentaires, ni le cinéma d’animation. Et ne pas oublier que cinéaste s’écrit aussi au féminin. Un casse-tête, on vous dit ! »
Contestable, critiquable, mais c’est une œuvre collective, reflétant, dans la limite du microcosme de Télérama, la diversité d’une ligne éditoriale. À chaque cinéphile de le contester, de l’approuver, de le rectifier.
1 – Sueurs froides réalisé par Alfred Hitchcock (1958)
« Le chignon de Kim Novak s'enroule en une spirale hypnotique. James Stewart le traque dans les rues de San Francisco. Bouleversant film d'amour, authentique chef-d'œuvre. »
Un vin, aussi grand fut-il, n’est pas une pièce unique, même le classificateur concède, pour l’un d’eux, le premier « je peux affirmer qu’il varie hélas trop de bouteille à bouteille », il est même amené à disparaître physiquement, et pour y accéder, faute d’être un invité privilégié, il faut disposer de moyens confortables.
Un vin peut être considéré comme une œuvre au sens de la main de l’artisan et je ne conteste pas qu’il puisse exister des chefs d’œuvre même si je me sens bien incapable de les identifier par moi-même.
Dans le cas présent, et ce n’est pas un reproche, le palmarès est l’œuvre d’un seul homme qui, c’est incontestable, a pu tout au long de sa vie de goûteur professionnel se constituer l’une des plus belles bibliothèques de la mémoire de ce cépage : le cabernet-sauvignon.
Il est donc possible de considérer que ce palmarès est, d’une certaine manière, un legs aux jeunes générations, sauf que celles-ci doivent le prendre pour argent comptant.
Alors me dis-je pourquoi cette érection de chefs d’œuvres quasiment inaccessibles ?
Quel est le but poursuivi par l’auteur ?
Faire rêver me rétorquera-t-on !
Rêver à l’inaccessible étoile je veux bien mais je ne vois pas en quoi l’exaltation de ces monuments contribue à l’éducation des générations futures et participe à l’extension du domaine du vin.
Dans un temps où l’élitisme est brocardé, parce que certaines élites ont largement prêté le flanc, la presse du vin, ou du moins ce qu’il en reste, ne trouve rien de mieux à faire que de nous mettre sous le nez des vins inaccessibles ou presque.
Moi ça ne me fait pas rêver même si j’en ai bu beaucoup lors de mon parcours professionnel.
De grâce parlez-nous du monde des vivants et non que de mausolées abritant sans doute des Géants !
Entendez-moi bien, lisez-moi bien, qu’un grand érudit du Vin qui, sur le long chemin lui ayant permis, lui ayant donné l’extrême privilège, de se constituer une imposante bibliothèque de « grands vins », à l’image de Georges Pompidou en 1961, pour la Poésie française, nous écrive une Anthologie des « chefs d’œuvre » du vin du Monde Entier.
Je suis pour, dit sans aucune ironie...
Ce florilège de morceaux choisis, relié plein cuir, je plaisante bien sûr, pourrait ainsi trôner dans les bibliothèques des grands comme des jeunes amateurs alors que ses 10 chefs d’œuvre du Cabernet-Sauvignon, reçus via la Toile, s’envoleront aussi vite que les aigrettes de la Fleur du Pissenlit sans féconder le terreau des jeunes œnophiles.
Château Latour, pauillac 1961
« Ce millésime est une légende à Latour ou ailleurs en Médoc, car une toute petite récolte due à un terrible gel tardif a concentré les raisins comme jamais depuis. Mais, pour l’avoir goûté plus souvent que je ne l’aurais voulu (pour conserver une mémoire de l’exceptionnel), je peux affirmer qu’il varie hélas trop de bouteille à bouteille et que ce n’est pas au château qu’il s’est montré le plus mémorable. Sans doute mis en bouteilles par petits lots de barrique, il m’est vraiment apparu incomparable en Médoc, dans un lot ayant appartenu à un ancien directeur du château, avec une intensité de constitution, une noblesse et une pureté aromatique qui défient tout commentaire. Il y a, en plus des arômes truffés, cassissés et épicés classiques des très grands vieux cabernets, une sorte de minéralité ferreuse (je n’ai pas d’autres mots pour la qualifier) qui lui donne une tension comme aucune autre dans ma mémoire de dégustateur. Il semble bâti pour l’éternité. »
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