L’exercice dit des Primaires, sur le côté Droit jusqu’à l’extrême a permis de mettre en lumière le penchant avéré de la classe politique française à battre sa coulpe sur notre propre poitrine. En dépit de leur longévité aux manettes du pouvoir avec une grande facilité ils s’exonèrent de leur responsabilité en la noyant dans un océan de promesses d’extrême rigueur.
Eux qui sont nés le cul dans le beurre affirment qu’il nous faudra ne plus mettre de beurre dans nos épinards.
Je me marre mais, né dans un pays de beurre, plutôt salé, je n’ai jamais eu le cul dans le beurre – né avec une cuillère en argent dans le bec – ça m‘a prédisposé à me méfier de ceux qui après avoir promis le beurre et l’argent du beurre… et parfois la crémière aussi, s’érigent en parangons de vertu.
Mais me direz-vous, par-delà les propos de tréteaux, vite prononcés, vite oubliés, pourquoi le beurre est-il assimilé à un signe extérieur de richesse ?
Il fut pourtant fort longtemps la graisse des pauvres… En effet, sauf dans certaines régions, le beurre a longtemps été une matière grasse peu utilisée en cuisine. Pendant tout le Moyen Âge, le beurre n’est pas une graisse aristocratique mais plutôt un ingrédient pauvre, contrairement à la graisse de porc. Il est méprisé par les classes dominantes d’où l’expression « compter pour du beurre.
L’origine du beurre remonte à il y a environ 10 000 ans, soit lorsque nos ancêtres ont commencé à domestiquer les animaux.
La première référence au beurre, et sa plus ancienne trace écrite, date de 4 500 ans. Une plaque calcaire de cette époque en illustre les étapes de fabrication.
La croyance générale attribue l’origine du mot « beurre » au grec bou-tyron, signifiant « fromage de vache ». Toutefois, on dit qu’il pourrait provenir de la langue des gardiens de troupeaux de l’époque des Scythes.
Lire l’histoire du beurre ICI
Jusqu’au XIVe siècle la consommation des produits issus des vaches était rigoureusement interdite. Mais au XVIe siècle, la Réforme protestante autorisa le beurre pendant les périodes de carême, suivie de près par la Papauté. Cette autorisation s’étendit aux jours maigres en contrepartie d’une aumône. Ainsi à Rouen, une des tours de la cathédrale s’appelle Tour de Beurre, car bâtie au début du XVIe siècle en partie grâce aux aumônes des fidèles qui achetaient la permission de manger du beurre pendant le Carême.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le beurre fut ainsi adopté par les élites, avant de triompher aux XIXe et XXe siècles comme symbole de distinction sociale. Dès lors, il devint un signe d’opulence, sens que l’on retrouve dans plusieurs expressions populaires que j’ai évoqué dans mon titre.
Pour attester mes dires saviez-vous que c’est le beurre et un maître de la cuisine Vincent La Chapelle qui sont aux origines d’un grand classique de la table de Louis XV et de sa maîtresse Jeanne Poisson, marquise de Pompadour : les puits d’amour ICI
L’abandon du saindoux est en pâtisserie un changement fondamental : travailler le beurre et non le saindoux permet de quitter l’univers des lourdes pâtes des tourtes et des darioles pour entrer dans celui des tartes sucrées : la pâte feuilletée au beurre, pas plus épaisse qu’une feuille de carton, si légère ne bouche.
Au XVIe et surtout au XVIIe son usage devint commun et le beurre s’imposa et entraîna avec lui quelques classiques salés : le brochet au beurre blanc et sucrés : la pâte feuilletée.
Pour en finir avec le beurre, je passe sur l’expression toujours usitée : être beurré ou beurré comme un petit LU pour tenter d’expliciter les yeux au beurre noir.
Cette expression viendrait d’une recette de cuisine du XVIe siècle, selon laquelle on faisait pocher les œufs dans du beurre noirci à la cuisson, donnant lieu à… des œufs au beurre noir ! Des œufs aux yeux, le glissement de langage fut aisé, d’autant plus que dans la poêle, les œufs entourés du noir du beurre pouvaient faire penser à des yeux meurtris par un coup.
Mais, dans les années 1970, plusieurs facteurs vont contribuer à renverser l’image positive du beurre : la diabolisation des graisses, la vogue du « modèle méditerranéen », les nouvelles normes de la minceur et l’émergence des chefs de la « nouvelle cuisine ». Cette stigmatisation se voit renforcée par l’expression « beurre noir » qui n’est ni plus ni moins qu’un abus de langage : jamais, dans son histoire, le beurre noir n’a correspondu à du beurre brûlé, assure Patrick Rambourg ! Le beurre dit «noir» est en fait un beurre noisette auquel on ajoute des ingrédients qui le rendent plus foncé, comme des câpres et du vinaigre dans la sauce de la fameuse raie au beurre noir.