Ma chronique de mardi dernier, « Mon projet, ce n’est pas d’être en bio dans 20 ans, c’est de ne plus traiter.» Claire Naudin vigneronne des Hautes Côtes de Beaune , qui ne me devait pas grand-chose puisqu’elle ne faisait que reprendre les réflexions de Claire Naudin, a suscité un réel intérêt chez mes lecteurs comme sur Face de Bouc.
« Ça fait chauffer parce que la question de Claire est violente. La première fois que j’ai dit en réunion : « le problème n’est pas le bio ou le non bio, le problème, c’est le traitement », je me suis mis à dos les bio et les non bios. Maintenant, dans un public initié et qui doute, le débat se construit sur cette base. En dehors, c’est un rejet. » me confiait un vigneron.
C’est compréhensible, ajoute-t-il, pour les bio, parce qu’ils ont franchi une étape parfois difficile, et que celle-ci, assez rapidement ne se révèlera qu’une échappatoire, et difficile pour les non-bios, parce que, davantage encore que la démarche bio qui les interroge pourtant, la question des traitements remet en cause le fondement même de la production agricole moderne. Moderne, donc technique, donc fondée sur la raison. Donc non discutable.
En rester au pur débat technique c’est le réduire à des argumentaires d’initiés et ignorer les mouvements de fond de nos sociétés consuméristes bardées de contradictions.
Dans le cas spécifique du vin, produit dit de terroir sublimé par des références culturelles, plus encore que pour les produits alimentaires, se refuser à aborder la question des traitements, quels qu’ils soient, relève à moyen terme d’une cécité mortifère pour ce que nous qualifions encore de modèle artisanal. En effet, ce serait une forme de soumission, d’alignement sur les normes de la mondialisation qui nous priverait des avantages comparatifs qui font encore notre spécificité sur le marché mondial du vin.
Je vous conseille de lire attentivement l’article suivant, il est très éclairant et ne doit pas être pris à la légère. Les grands de la chimie, qui achètent à tour de bras des start-ups innovantes sur le bio, tout comme les grands distributeurs qui se sont engouffrés dans la brèche du marché des produits bios en pleine expansion.
La grande distribution s’engouffre dans la bio... et en menace les valeurs
30 novembre 2016 / Marie Astier (Reporterre)
« Une devanture rouge foncé reprenant les couleurs des boutiques Naturalia. Un rayon vrac qui attire l’œil dès le seuil d’entrée franchi. Installé dans un quartier commerçant du 19e arrondissement de Paris, ce magasin Carrefour bio reprend clairement les codes des enseignes spécialisées. Il faut s’approcher des rayons pour constater la différence : le vert du logo de la marque distributeur Carrefour bio domine, à côté de marques inconnues chez Biocoop ou La Vie claire.
« Cela me paraît bizarre, un Carrefour bio. Un peu incompatible. Mais j’y vais quand même », admet Nino. Le jeune homme vient de sortir du magasin, un sac de papier brun chargé de denrées à la main. « C’est pratique, et je me dis que c’est quand même un peu mieux que les produits classiques de supermarché. » Dans les rayons, deux mamies discutent des produits de ce nouveau lieu d’achat. Un vendeur vient les conseiller. « C’est bien ! » approuvent-elles en sortant. »
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