Rappelez-vous, ce fut l’une des grandes batailles comme nous les aimons : l’interdiction de faire des feux de cheminée dans Paris et sa banlieue. Même la Ségolène du Poitou s’en était mêlé.
Tout est rentré dans l’ordre : « Que vous habitiez Paris ou la banlieue, vous avez le droit de faire de cheminée chez vous. L'interdiction prise en 2014 a finalement été annulée par les préfectures concernées. »
Il fait froid et alors ?
Le 13 janvier 1985 : le Groupe de Liaison Anti-Gel, animé par Basile de Koch, et Frigide Barjot, organisait une Manifestation contre le froid au métro Glacière.
Slogans : « Verglas assassin, Mitterrand complice ! », « A bas la calotte glaciaire ! »
Les temps ont bien changé depuis…
Alors avec le froid rester chez soi, écouter de la musique, prendre un livre et à l’heure du déjeuner s’offrir une platée de pomme de terre en chemise, en robe de chambre ou en robe des champs.
Au temps où j’habitais dans les bois ma cheminée était si grande que j’aurais pu y faire cuire un cochon de lait mais à Paris le conduit a été obturé par la copropriété alors mais braves patates se contenteront de cuire dans de l’eau salée.
De l’art de peler une patate en robe des champs par Francis Ponge.
« Entre le gras du pouce et la pointe du couteau tenu par les autres doigts de la même main, on saisit, après l’avoir incisé par l’une de ses lèvres, ce rêche et fin papier que l’on tire à soi pour le détacher de la chair appétissante du tubercule.
L’opération facile laisse, quand on a réussi à la parfaire sans s’y reprendre à trop de fois, une impression de satisfaction indicible.
Le léger bruit que font les tissus en se décollant est doux à l’oreille et la découverte de la pulpe comestible réjouissante. »
Je pratique avec brio le pelage à chaud de la pomme de terre en robe des champs.
Ensuite c’est le délice du mariage de sa chair avec un bon beurre cru de baratte salé.
Mais à propos c’est quoi une patate ?
C’est officiellement une MORELLE TUBÉREUSE, de la famille des solanacées, une tribu qui compte aussi bien tomate, aubergine et piments.
« Son tubercule consiste en une portion renflée de rameau souterrain dans laquelle des réserves se sont accumulées. »
« Les tubercules de la pomme de terre se présentent, selon les espèces, sphériques, ovoïdes, oblongs, allongés ; certains deviennent plus gros que le poing. L’Institut de Beauvais est de chair ivoire revêtue d’une peau ambre, rosée autour des yeux. La saucisse de pulpe paille s’habille de rouge. La négresse, sous sa pelure noire, apparaît violette. La quarantaine, dans une enveloppe mauve, excipe d’un intérieur jaune ; la rose hâtive, sous un épiderme saumoné, se montre éminemment blanche. »
« La pomme de terre se cultive aussi pour sa fleur, dont la couleur peut aller du clair au sombre. Celle de la Fluke apparaît d’un pourpre profond ; celle de l’Erstetingen, blanc verdâtre, celle de la Pépo, rose, celle de la Belle de Fontenay, bleue, celle de la Jubé, mauve. Il existe aussi des espèces à fleurs de teinte lilas ou jaune pâle ou éclatant.
Le violet vif d’autres fleurs fait somptueusement valoir des étamines d’un or rutilant. »
Mais d’où-je tire cette science de la patate ?
Je vous le donne en mille : d’un petit livre jaune de Jean Follain
« célébration de la pomme de terre »
Un petit bijou écrit en 1965
À la réception du manuscrit en novembre 1965, Robert Morel (l’éditeur), écrit sur le champ à Follain : « Quelle surprise ! Quelle bonne surprise ! J’ai dévoré votre pomme de terre. La surprise fut double. À chaque tournant, je me disais : le poète va sortir son violon ! Eh non, vous avez tenu bon, jusqu’au bout, et vous avez laissé la parole à la seule pomme de terre : c’était une gageure. »
En effet Follain dans son livre « mélange avec jubilation les références érudites et populaires, Roland Barthes et Paris-Match, François Marrec et Francis Ponge, le général de Castrie et la grand-mère Heussebrot, faisant fi des hiérarchies et dans un désordre savamment orchestré. »
À acquérir et lire absolument !
Et comme je suis un bon garçon je vous fais profiter de mon déjeuner :
Jean Follain
Un poète peuplé d’attente et d’enfance
« Homme d’un terroir, homme d’une enfance qui le hante, ou voyageur sans regret - liseur infatigable, de la comptine aux Pères de l’Église, ou heureux par toutes choses qui se passent du langage - homme du monde et grand causeur, homme à l’écart et taciturne : Jean Follain est tout cela, sans donner pour autant l’impression d’être particulièrement déchiré.»