Mercredi matin je me suis levé de très bonne heure car avant de me coucher j’avais un mauvais pressentiment : avec le système américain des grands électeurs la marge d’erreur des sondeurs, la zone grise, tout était possible, Trump pouvait gagner.
J’ai donc assisté en direct à la victoire de celui que l’on qualifie un peu vite dans notre vieux pays du candidat anti-système.
Mais mon propos de ce matin s’adresse à certains journalistes français qui sur Twitter ont passé leur temps à gloser sur « tout ça va se passer de la même manière en pays gaulois. », les sondages se plantent tout le temps, la MLP va faire le même hold-up… j'en passe ... affligeant.
Je vous propose de lire le point de vue de Guy Sorman, avec qui je n’ai guère d’affinités, mais qui recadre bien ce qu’est un Président US
Guy Sorman - Trump ou la revanche de l'homme blanc
Les contre-pouvoirs aux États-Unis sont si contraignants que le pouvoir véritable de Trump sera une magistrature d'influence, estime l'essayiste.
« Les États-Unis étant le laboratoire de notre avenir, que nous enseigne le scrutin du 8 novembre ? Deux tendances de fond innovent. Tout d'abord, le partage entre droite et gauche, qui semblait universel, sous des appellations diverses, ne fonctionne plus. Il y a quatre ans, la confrontation entre Barack Obama pour les démocrates et Mitt Romney pour les républicains ressemblait à n'importe quelle élection antérieure aux États-Unis comme chez nous, la gauche américaine était seulement moins révolutionnaire que les gauches françaises et la droite américaine plus « conservatrice ».
Cette fois-ci, placer Clinton à gauche et Trump à droite n'explique rien. Les candidats à la présidence se sont situés sur un axe nouveau, qui va de la « société ouverte » (Clinton) à la « société fermée » (Trump). Du côté de la société ouverte, on accepte la diversité culturelle, l'immigration, les échanges internationaux. Pour les partisans de la société fermée avec Donald Trump, les traditions, les intérêts nationaux paraissent assiégés par les migrations, le multiculturalisme et la mondialisation. Que l'électorat de Trump soit plutôt blanc, plutôt masculin, plutôt chrétien décrit le malaise de cette population-là face aux métamorphoses de la société moderne, qu'il s'agisse des mœurs ou de l'économie. »
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Et 6 idées reçues sur la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine
1. Donald Trump n’est pas élu « triomphalement »
La victoire de M. Trump est incontestable : le candidat républicain a déjoué les pronostics et dispose d’une avance confortable en termes de grands électeurs sur sa rivale (il pourrait dépasser le seuil des 300 grands électeurs, là où 270 suffisaient à assurer sa victoire). Un succès comptable qui s’explique notamment par sa victoire dans quatre Etats de poids où il partait en outsider : la Floride (29 grands électeurs), la Pennsylvanie (20), la Caroline du Nord (15) et le Wisconsin (10).
Paradoxalement, Mme Clinton ne s’en sort pas si mal en termes de nombre de voix. Elle fait même jeu égal voire mieux que M. Trump au niveau national avec 59,20 millions de votes contre 59,06 millions pour son rival, selon le décompte partiel disponible mercredi 9 novembre dans l’après-midi (le dépouillement est encore en cours dans le Minnesota, le New Hampshire, le Michigan et l’Arizona).
3. Il n’y a pas un effondrement de la participation
Le taux de participation au scrutin s’est élevé à 54,2 %, selon les chiffres de The United States Elections Project. C’est relativement peu, mais pas tant que ça comparé aux scrutins précédents : depuis 1980, la participation a été supérieure à quatre reprises (le meilleur score a été de 57,1 % en 2008) et inférieures cinq fois (avec un plus bas à 49 % en 1996).
Si l’on regarde la carte de la participation, on s’aperçoit également qu’elle a été plutôt au rendez-vous dans les Etats qui ont fait basculer l’élection en faveur de M. Trump : la Floride (64 %), la Pennsylvanie (61,4 %), la Caroline du Nord (63,5 %) et le Wisconsin (68,1 %). On ne peut donc résumer la victoire du milliardaire à une désaffection des électeurs pour les urnes.
4. Le candidat républicain n’a pas été élu que par le Midwest
Comme on pouvait s’y attendre, M. Trump a triomphé dans la majorité des Etats du Midwest comme l’Ohio, le Kansas, le Missouri ou le Nebraska, de même que dans le sud du pays (Texas, Louisiane, Arkansas…).
Mais il est aussi majoritaire en Floride, où la communauté hispanique représente un quart de la population, et dans des Etats de l’Est comme la Caroline du Nord ou la Pennsylvanie. Il n’y a finalement guère que la Côte ouest, de l’Etat de Washington à la Californie, ainsi que le nord-est, de la Virginie au Maine, qui lui ont résisté.
5. Donald Trump n’est pas élu que par les hommes blancs ouvriers
S’il faut toujours les prendre avec précaution, les premiers sondages réalisés à la sortie des urnes montrent un électorat bien moins homogène qu’on peut parfois l’entendre. Le New York Times a recours, comme d’autres médias, à l’institut Edison Research for National Election Pool, qui utilise un questionnaire envoyé à 24 537 personnes, donc un échantillon plutôt fiable.
Cette enquête montre bien que M. Trump a eu les faveurs des hommes blancs de plus de 45 ans, nettement plus que son adversaire. Néanmoins, selon cette enquête :
Certes l’électorat de Trump est majoritairement composé d’hommes (53 %), mais il est également composé à 42 % de femmes (les autres sondés ne se prononçant pas sur cette question). De même, si 58 % des « blancs » votent pour lui, contre seulement 8 % des Noirs, il obtient les suffrages de 29 % de Latinos, et 37 % d’« autres ethnies ».
Sur l’éducation également, si on constate que 51 % des non diplômés ont voté Trump (contre 45 % pour Hillary Clinton), c’est aussi le cas de 45 % des diplômés du supérieur (contre 49 % pour Mme Clinton).
Les revenus montrent également un vote moins tranché qu’on peut l’entendre ou le lire : les plus modestes (moins de 30 000 dollars par an) ont voté démocrate (53 % contre 41 %), et les plus riches (plus de 250 000 dollars annuels), républicain (48 % contre 46 %). Mais c’est finalement la « classe moyenne » (de 30 000 à 49 999 dollars par an) qui vote le plus Trump (50 % contre 46 %).
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De retour à la France et à ses échéances électorales :
- Les Primaires de la Droite et du Centre : rien n’est joué, les sondages peuvent se planter eu égard à ce que c’est une première pour un électorat aux contours mouvants, mais extrapoler l’effet Trump c’est aller vite en besogne, d’autant plus que c’est un scrutin à 2 tours.
- L’élection présidentielle elle-même : il serait urgent d’attendre d’avoir la donne avant de se livrer à des scénario improbables.
Bonne journée à tous…