Commençons par la Corse qui est la plus au sud de notre pays, face à l’Italie, où la culture de l’olivier est très répandue car les conditions climatiques lui sont favorables. L’île est, en dehors de petites zones, la seule région française où l’olivier se propage par semis. L’oléastre (olivier sauvage) fait partie du maquis spontané.
Les régions où l’oléiculture est la plus développée sont la Balagne, le Nebbio, l’Alta Rocca, le bas Taravo et la région de Vico-Cargèse.
Le verger traditionnel est constitué de variétés locales peu connues : la ghermana, la sabina, la zinzala, l’aliva bianca et la blancaghaja. La variété picholine a été introduite il y a une trentaine d’années dans les zones de plaine pour développer la culture d’olives de table, avec un succès mitigé.
« Consacrée en 2004 par l’obtention d’une AOC (Appellation d’Origine Contrôlée), puis d’une AOP(Appellation d’Origine Protégée) en 2007, l’Huile d’Olive de Corse Oliu di Corsica AOP est caractérisée par une extrême douceur en bouche que l'on doit à la récolte des fruits à pleine maturité, et par une palette aromatique exceptionnelle où l'on retrouve les parfums intenses du maquis corse. »
Voir le site Syndicat d'huile d'olive Corse Oliu di Corsica ICI
Histoire
« L’huile que l’on fait en Corse ne vaut pas mieux que le vin, par défaut de fabrique ; mais elle serait excellente et à l’instar de celle d’Aix, si les Corses savaient greffer et cultiver les oliviers et apprendre la manière des Provençaux pour faire de l’huile. ». ce jugement négatif, porté par l’auteur anonyme d’un Mémoire sur le commerce de Corse remis à Louis XV dans les années qui suivirent le rattachement de l’île au royaume (1768), doit être tempéré car il ne rend pas tout à fait compte de la réalité de son époque. Déjà un mémoire de 1757, où la Balagne est qualifiée de « jardin de la Corse », témoigne d’une production d’huile de 25 000 à 50 000 barils selon les années, dont la »plus grande partie se porte à Calvi et y est embarquée pour le dehors. »
L’abbé Gaudin, qui n’est pas toujours tendre avec les Corses, constate lors de sa visite dans les années 1780 que la greffe – instaurée et propagée par les Génois à partir du XVIIe siècle – est largement pratiquée, et des témoignages légèrement postérieurs font état d’une réputation d’excellence pour les huiles de certaines régions de l’île.
Dans les premières années du XIXe siècle, le préfet Piétry, décrivant le département de Golo, signalait que le canton de Canale dont « les huiles sont fort estimées » et plus tard C.-J. Petit confirme dans son Guide du commerce de l’Epicerie relative à la France (1823) la bonne renommée de l’huile de ce terroir, même s’il regrette que toutes les potentialités de la Corse ne soient pas exploitées.
En 1904, les services du Ministère de l’Agriculture estimaient à 4000 tonnes la production d’huile corse destinée à l’exportation mais, la concurrence des huiles oléagineuses et des huiles tunisiennes vont faire que si « Jadis, les marchands d’Aix, de Salon et de Nice venaient en Balagne ; aujourd’hui ils semblent avoir désappris ce chemin » notait Ardouin-Dumazet dans son Voyage en France (1911).
À partir de cette époque la production d’huile ne fit que décliner…
Maintenant embarquons-nous pour la Calabre, à l’extrême pointe de la botte italienne :
« Le pressoir était devenu l’idée fixe de don Peppino Salemi. Il n’était pas indispensable pour ses propriétés – près de vingt-cinq hectares d’oliveraies. Ni même pour éviter de se faire pigeonner sur le rendu par un autre presseur qu’il aurait dû avoir à l’œil pendant toute la trituration. Ça, c’étaient des excuses bonnes pour faire taire les femmes. Ou plutôt non, il y avait du vrai, qu’on n’aille pas raconter qu’un presseur né de la dernière pluie baisait don Peppino Salemi, parce que, dans ce domaine, s’il y en avait un qui avait bien baisé les autres… Ils ne s’étaient jamais aperçus de rien, rien que des remerciements et le bouche-à-oreille comme quoi, avec lui, rien à craindre, pauvres cloches. Non, le pressoir, c’était plutôt sa manière à lui de se proclamer chef de famille et de garder le couteau du côté du manche parmi un régiment de femelles * qui, à la maison, avaient réussi à prendre le dessus. Et c’était surtout parce que, désormais, il n’y avait plus que dans son pressoir qu’il se sentait utile et vivant.
Il continuerait à les moudre lui-même, ses olives, au prix de sa sueur, jour et nuit, jusqu’à la dernière, comme au bon vieux temps. Quoi qu’en disent sa femme et ses cinq châtiments * du ciel. Quoiqu’en dise le village. Quoi que puisse marmouler le chevalier Scordino, prêt à nier un passage des Evangiles – lui qui ne ratait pas une messe – pour le seul plaisir de le contredire.
Comme il aimait les nuits passées au pressoir à moudre les olives ! Un délice, le clapotis de la pâte sous les deux grosses roues en pierre de la meule, le bruit sourd du moteur, les scourtins à remplir de pâte et à insérer dans la maie entre les disques des presses, l’huile qui coulait, l’odeur qui imprégnait les lieux. Un pressoir à l’ancienne, qu’il avait, avec une claie et des roues. S’il avait pu, il les aurait encore fait tourner avec une mule attachée au pilier. Les autres, par contre, s’étaient modernisés. Quelle connerie de se saigner aux quatre veines pour acheter des engins qui travaillaient la pâte à chaud, avec pour résultat de gâter l’huile, qui tournait à l’acide en moins d’un an. Une connerie pire encore, ensuite, de les remplacer par d’autres engins qui pressaient à froid. « Ça passe à travers ces diableries mécaniques, comment voulez-vous qu’il en sorte une huile baptisée ? » avait-il coutume de leur opposer. Pas moyen de les convaincre. Mais eux non plus n’arrivaient pas à le convaincre. Et il continuait comme il l’avait toujours fait, sans renoncer au cuisiné mangé dans la gamelle avec les ouvriers, pour l’essentiel des patates et des poivrons, ou de la morue rôtie, ou juste du pain assaisonné d’huile fraîchement pressée, toutes choses qui appelaient le vin, un cerasuolo ambré qui descendait dans la gorge mieux que l’eau et dont il se régalaient au verre doseur, un verre à peine plus grand que celui pour le rossolis, juste la quantité voulue pour boire d’un trait. »
Mimmo Gangemi La revanche du petit juge
*don Peppino Salemi n’avait que des filles, 5 exactement.
Et pour finir partons pour l’Andalousie avec la superbe chanson de Paco Ibanez « Andaluces de Jaen » qui s'inspire du poème « Aceituneros »(Cueilleurs d'olives) de Miguel Hernandez, publié en 1937 dans « Vents du peuple » : qui est une exhortation à ce que le peuple de Jaen (Ville au Nord-Est de l’Andalousie) prenne conscience que ses oliviers sont le fruit de « la terre silencieuse, du travail, de la sueur, de l’eau pure et des planètes du ciel », et non d’un propriétaire, d’un Seigneur ou de l’argent, et remette en question leur propriété. A qui appartiennent donc ces oliviers et leurs olives
La municipalité de Jaen a décidé en 2013, pour fêter le bicentenaire de sa formation, de créer, à partir des vers de ce poème, d’autant plus que Miguel Hernandez, bien que né à Orihuela, possédait une maison à Jaen près de la cathédrale, l'hymne de la province.