Mon amour pour les petits livres est comme ma soif et ma faim : inextinguible…
Dimanche dernier, profitant d’un soleil à éclipse, je suis monté jusqu’au Monte en l’air pour tenter de l’étancher.
Bien m’en a pris car je suis tombé sur un opuscule de taille modeste mais tendre et fort goûtu. L’auteur, un ancien manieur de bistouri, a troqué celui-ci pour un écorche-poulet (écouter ci-dessous : La complainte du progrès de Boris Vian) afin de nous concocter un O.E.N.I : Objet écrit non identifié.
« La cuisine est l’affaire de tous et tout est à faire en cuisine… » écrit dans sa Préface Guillaume Gomez (MOF et président des cuisinier de la République Française) et qui cite Erasme pour qui un repas est insipide, s’il n’est assaisonné d’un brin de folie…
Autre référence de poids Frédéric Dard, grand amateur de tortore, « Un mec qui sait bâfrer enchtibe tous les autres. »
Bref, ne tournons pas autour du pot « Le veuf en daube » est un livre qu’il faut stocker dans son garde-manger « pour commencer à rêver de petits plaisirs, ceux qu’on avait eu dans son enfance, dans sa vie : la daube de mémé, la blanquette mijotée nappée de crème, les pommes au four, tièdes et dorées, avec la confiture de groseilles qui ruisselle dans les craquelures… Évoquer, retrouver, reconnaître le lien à la mère, première nourricière (Freud m’entends-tu ?), c’est évoquer toutes les figures matricielles qui ont pris du temps pour nous faire plaisir ou pour nous consoler. On a toujours du chagrin quand on est petit, mais il se peut que plus tard on en est aussi. »
C’est tout moi ça !
« Enfin, et pour plagier Francis Picabia (Affiche pour le salon d’automne, 1922) l’auteur Jean Ronceray croit pouvoir affirmer :
qu'il est un loustic
qu’il n’est pas un linguiste
qu’il est un idiot
qu’il n’est pas un cuisinier
qu’il est un professeur
qu’il n’est pas savant
et surtout
qu’il n’est pas sérieux
et si vous avez tout compris, c’est qu’il s’est mal exprimé. »
Et pour couronner le tout, tels des cerises sur le gâteau, les dessins de Jacques Colombay sont de vrais bijoux.
Enfin pour plaire à Jacques Dupont grand ferrailleur devant l’éternel des abstèmes la définition de l’EAU par l’auteur ex-blouse blanche :
« WC Fields (in Fields for president 1940) disait qu’il n’en buvait jamais depuis qu’il avait envisagé tout ce que les poissons y faisaient. C’est l’acide hydroxique, (dihydrogen monoxyde ou DHMO), et ce n’est pas un produit très sympathique. Responsable partiellement de l’effet de serre et du réchauffement climatique qui vont obérer notre avenir, et d’innombrables maladies infectieuses ou parasitaires qui occasionnent beaucoup plus de décès que l’usage du vin. Enfin l’abus personnel peut conduire à l’hyponatrémie, l’œdème cérébral, et même au coma (water intoxication syndrom). De plus elle est « vénéneuse, car elle contient un autodépresseur suractif, dont la consommation régulière peut conduire au suicide, au meurtre, voire même à s’abonner à Jours de France » Pierre Desproges. On peut admettre, cependant, que consommée avec modération – pour diluer le pastis ou l’anisette, voire légèrement le whisky – elle ne peut sans doute pas faire grand mal, car sa toxicité est contrebalancée par le pouvoir antiseptique de l’alcool. »
J’allais l’oublier le narrateur est un dénommé Hom (pour être moins cérémonieux que l’homme métaphysique, et moins neutre, moins insipide que ce vague et indéfini « on »), un veuf qui en réussissant la daube « prouvera à tous, que le vide peut se combler, que la peine peut s’éloigner, que Hom n’est pas mort, qu’il ne survit pas, mais qu’il vit. Comme le divin boiteux, mais dans un autre registre, il aura « Fait surgir un rire émancipé du gosier de la mort. » Shakespeare, Peines perdues d’amour.