Dans le jardin du pépé Louis au Bourg-Pailler y’avait des touffes de vinette bien verte, de l’oseille, j’adorais son goût acidulé et je reste persuadé que cette addiction a joué un rôle important pour me faire aimer l’acidité.
Mais pourquoi diable associer l’oseille à l’argent ?
L'origine du sens argotique n'est pas totalement claire mais cela semble ancien et attaché au mot « vinette » qui est une autre appellation de l'oseille. On retrouve ce lien dans la phrase : « ayant eu l'argent qu'elle prétendoit, c'était autant de vinette cueillie ».
L’oseille est une plante vivace de la famille des polygonacées, aux feuilles vertes et arrondies, elle ressemble à l'épinard, l'acidité en plus. Son nom est d'ailleurs dérivé du latin "acidulus" qui signifie aigrelet.
L'oseille était très appréciée par les Égyptiens. Les médecins soulageaient grâce à elle les ennuis gastriques du Pharaon. Elle fait toujours partie des traditions de ce pays. Ce n'est qu'au Moyen Âge que l'oseille prend place dans la cuisine.
Plusieurs variétés poussent partout dans le monde à l'état sauvage et tout au long de l'année. Parmi les plus courantes, on peut citer :
- la Grande Oseille, aux feuilles larges en forme de flèche
- la Patience, la plus grande, aux feuilles rugueuses et rondes ; sa saveur est moins acide mais plus amère
- l'Oseille Ronde (ou française), aux feuilles rondes et charnues de couleur vert vif.
À noter que, quelle que soit la variété, elle est toujours récoltée à la main, entre mai et octobre.
Avec sa saveur acidulée et citronnée, elle peut se consommer crue dans les salades. Pour la cuisson ne pas utiliser de casserole en fonte ou en aluminium car l’oseille est très fragile et noircit en cas de contact avec ces métaux. L’amertume se développera si elle est cuite à la vapeur. Cuite, l’oseille s’apprête comme des épinards, et peut être ajoutée aux soupes et aux sauces. Le potage à l’oseille et la sauce à l’oseille sont très populaire en Europe et en Russie. La sauce accompagne les volailles, le poisson, le veau et les mets à base d’œufs comme les quiches. L’oseille peut également être réduite en purée et s’intégrer dans une purée de pomme de terre par exemple.
Et bien sûr qui ne connaît pas le célèbre saumon à l'oseille, une création des frères Troisgros ? Petit tour de magie : farci de ces feuilles, un poisson riche en arêtes, tel que l'alose et le brochet, s'en trouve en partie débarrassé. L'acidité les fait fondre.
Dans le plus grand désordre chronologique 3 grands moments à propos de l'oseille :
Avantage lié au titre : avec « Prends l’oseille et tire-toi! », Woody Allen, âgé de 33 ans, passe à la réalisation pour se mettre lui-même en scène. Il utilise un scénario écrit de longue date avec un ami. Il se situe pleinement dans l’héritage direct de Chaplin et surtout des Marx Brothers.
Puis l’ignoble Don Salluste, Louis de Funès au sommet de son art, de la Folie des Grandeurs (1971) de Gérard Oury :
- Cette année, la récolte a été très mauvaise, alors il faut payer le double. […] C'est normal ! Les pauvres c'est fait pour être très pauvres et les riches très riches. […] Qu'est-ce qui se passe ? — C'est les villageois, Monseigneur. Ils vous acclament. — Ils m'acclament ? — Oui ! — J'aurais dû leur en prendre le triple.
Blaze : C'est l'or… il est l'or… l'or de se réveiller… Monseignor… il est huit or… gouzi gouzi gouzi…
Don Salluste : Il en manque une !
Don Salluste : Tout à fait sor !
Blaze : Ah ben ça alors… !
Don Salluste : Regardez sous le lit.
Enfin, à tout seigneur tout honneur Harpagon qui crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau :
Au voleur ! Au voleur ! A l’assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point-là ? N’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin… (Il se prend lui-même le bras.) Ah ! C’est moi. Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! Mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! On m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde : sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait, je n’en puis plus ; je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris? Euh ? Que dites-vous ? Ce n’est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a choisi justement le temps que je parlois à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à toute la maison : à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Eh ! De quoi est-ce qu’on parle là ? De celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part sans doute au vol que l’on m’a fait. Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après.
Molière, L’Avare, acte IV, scène 7 : le monologue d’Harpagon
La conclusion reste à Jacques Martin celui à qui le petit Nicolas de Neuilly a piqué la femme : « La Suisse est avant tout, ne l’oublions pas, un pays d’agriculture : ils font du blé, du jonc, de l’oseille »
De Jacques Martin (1933-2007) / Jacques MARTIN Pensées, répliques et anecdotes