François Hollande accompagné de deux dames : Anne Hidalgo, maire de Paris, et Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, se rend à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Rio, afin de plaider la candidature de Paris aux JO de 2024.
Hormis les critiques liées à ce qu’il va être reçu par le très contesté Michel Temer, président intérimaire du Brésil depuis la mise en œuvre de la procédure de destitution de Dilma Rousseff, et qu’il aurait sans doute mieux à faire que de se transformer en VRP d’une nouvelle candidature de Paris, j’ai décidé de lui offrir le livre de Robert Redeker paru en 2008 « Le sport est-il inhumain ? »
Notre cher et vilipendé Président, grand amoureux du sport, aura eu tout le temps de le lire dans l’avion qui l’a transporté jusqu’à Rio-de-Janeiro.
Sans endosser les oripeaux des altermondialistes, je reprends à mon compte leur célèbre formule en l’appliquant aux athlètes : le sportif n’est pas une marchandise !
Et pourtant, comme l’écrit dans son livre Robert Redeker :
« Formulons, avant de l’examiner, une hypothèse : le sportif est un mutant soumis à l’impératif de la commercialisation. Il se doit d’être commercialisable. Il ne s’appartient pas – en ce sens, il est le contraire de l’homme libre - il appartient à ses sponsors, il appartient aux médias qui vivent de ses efforts, il appartient à la grande masse des consommateurs d’évènements sportifs. » Alors, continue-t-il « Personne ne se scandalise de ce que les footballeurs, les coureurs cyclistes, et à présent les rugbymen aussi, s’achètent et se vendent sur le mercato, marché interlope où pullulent des maquignons spécialisés dans la chair compétitive, assimilables à de véritables entremetteurs (…) Le sens de leur propre dignité s’est tellement éclipsé chez les sportifs professionnels qu’ils trouvent normale la tenue de pareils marchés. Comme s’ils étaient des bœufs, comme s’ils étaient des esclaves. »
Je sais que je risque de ne guère pas vous émouvoir car ce « bétail » palpe lourd, les salaires voisinent ceux des patrons du CAC 40. Mon propos ne se situe pas sur ce plan mais celui d’une véritable mutation des corps des athlètes de haut niveau.
Vous qui dézinguez dans la joie et la bonne humeur, comme au temps des chantiers de jeunesse, de braves épis de maïs mutants qui ne vous ont rien fait allez-vous rester insensible à l’érection de Robocops en short. Bien sûr je pourrais vous la jouer en émotion rétrospective, en vous chantant les arabesques de Gachassin, les dribbles chaloupés de Rocheteau, les coups francs de Platini, ou les coups de pédales fluides d’Anquetil ou de Charly Gaul. Des mecs comme nous, des gus dans lesquels on aimait se projeter. Bien sûr, certains, comme Anquetil, se sont un peu dopé à l’ancienne : « bien souvent je me suis fait des piqures de caféine… » Tom Simpson, anglais sympathique, est mort sur les pentes du Ventoux, en plein cagnard, le 13 juillet 1967. Mais comme l’indique Redeker « le dopage de son corps ne se limite plus depuis belle lurette à l’absorption occasionnelle d’une potion magique afin de se surpasser artificiellement. Loin de ce folklore passé de saison, le dopage s’inscrit dans la science en tant que technologie systématique de fabrication de compétiteurs hors normes sur la longue durée. »
Je cite toujours : « Le dopage contemporain se définit par la possibilité de changer le corps sur le long terme. La substitution des dopages génétiques et basés sur les nanotechnologies au dopage exogène pointe à l’horizon. Avec le dopage contemporain, et plus encore celui de demain, nous frôlons l’univers des chimères – ces animaux étranges, mi-hommes, mi-bêtes, auxquels les biotechnologies donnent naissance, univers préparé aussi par le dopage génétique. Insuffler des cellules souches embryonnaires d’un cerveau humain à une souris met au monde une chimère. Les sportifs de l’avenir seront peut-être produits sur le modèle des chimères. »
Et plus dure sera la chute : « Le dopage high-tech – celui que les contrôles ne parviennent jamais à déceler, mais que tous les responsables du fait sportif, ainsi que la grande masse des observateurs savent l’existence – est sur le point de fabriquer des HGM, des humains génétiquement modifiés, destinés à assurer le spectacle permanent de la compétition. »
Le mensuel d'avril 2009 de l'UFOLEP et de l'USEP, reprenait l'introduction de Robert REDEKER pour son livre “ Le sport est-il humain?” aux éditions PANAMA
« Le sport a bien changé. Les sportifs ont bien changé. Assister, depuis les travées d'un stade ou devant son poste de télévision, à un match de football, de rugby, aux jeux Olympiques ou au Tour de France cycliste, à un tournoi du Grand Chelem de tennis, engendre un plaisir qui n'est plus le même que jadis, car il est devenu impossible de se projeter sur les champions. Le plaisir du spectacle sportif, à présent, n'est plus l'antique plaisir de projection. Chacun pouvait se prendre pour Kopa, pour Poulidor, pour Fouroux ou Maso, pour Gachassin et même pour Platini, parce que ces sportifs, entre mille autres, possédaient une apparence physique semblable à la nôtre, nous, hommes du commun.
Lorsque, sur une chaine de télévision spécialisée dans la rediffusion d'événements sportifs du passé - la chaîne ESPN -, le désir nous prend de regarder l'épopée des «Verts», la fameuse AS Saint-Étienne des grandes années, celle de Rocheteau et des frères Revelli, nous ne manquons pas de marquer de la surprise devant la silhouette de ces vedettes de naguère. On dirait des gringalets ! On dirait des juniors ! Pour illustration, remémorons-nous l'allure de Dominique Rocheteau, ou celle de ce prestidigitateur footballistique que fut Jean-Marc Guillou! De Dominique Rocheteau, en ces années soixante-dix, il était encore possible de dire ce qu'Henry de Montherlant écrit, dans un superbe poème, de tout ailier : « un ailier est un enfant perdu ». Produit usiné pour être vendu aux chaînes de télévision, le football contemporain a substitué à ces « enfants perdus » des montagnes de muscle, des Robocop et des Terminator.
La même impression nous submerge au spectacle, sur la même chaîne de télévision, des matchs de rugby des années soixante et soixante-dix. On découvre à quel point le physique des sportifs s'est transformé. Leur allure reflétait celui de l'homme de la rue. Début février 2008, Jean Gachassin foula la pelouse du Stade de France, pour donner le coup d'envoi d'un match du Tournoi des Six Nations, France-Irlande. Sa présence fit ressortir avec netteté le contraste entre deux rugbys, deux époques, deux approches du jeu, du sport, du corps. Ce lilliputien dépassant à peine un mètre soixante, magicien d'un rugby défunt que pratiqua aussi le mythique demi de mêlée néo-zélandais Chris Laidlaw, de deux ans son cadet, semblait revenir d'un monde bien éloigné de celui des Goliath contemporains qui attendaient l'heure d'en découdre. (...)
Le plaisir de la projection trouve son fondement dans la possibilité d'imiter de façon imaginaire l'action ou le sentiment qui se donne en spectacle, sur la scène, sur l'écran, sur le stade. L'imagination est l'action psychique, au coeur de notre intériorité subjective, par laquelle nous imitons les actions physiques (la course, la pédalée, le coup de raquette, la passe, le drop, le coup franc ou le penalty, etc.) aussi bien que les sentiments (la joie, l'espoir, l'exaltation, l'abattement, la révolte) des champions. Plus : nous imitons également l'état physique, la fatigue ou bien la forme resplendissante. Tendance lourde, la transformation de l'aspect physique d'un nombre de plus en plus important de sportifs (...) interdit peu à peu cette imitation. (...)
Cette forme particulière d'intérêt pour le sport, dans laquelle l'imitation occupe la place centrale, ne court-elle pas le risque de se retrouver en voie d'extinction? Souvenons-nous de Tony Rominger, le champion cycliste suisse, descendant de vélo après avoir battu le record du monde de l'heure, en octobre 1994. Avait-il une autre allure que celle d'un extra-terrestre ? Une remarque radiophonique d'Eddy Merckx après la performance de Rominger incite à la réflexion: «Ce n'est plus un coureur cycliste. » De là à entendre « Ce n'est plus un homme »... (...)
Prenons place sur les gradins, dans le but d'assister à des affrontements rugbystiques; très différents des folles chevauchées à perdre haleine et à couper le souffle que nous offrait le rugby du temps des frères Boniface (...), les matchs contemporains engendrent en nous le sentiment d'une affaire de science-fiction, d'un combat entre des prototypes d'humains futuristes peuplant un jeu vidéo. D'un combat de Titans fabriqués d'acier, de chimie et d'électronique. Que sont d'autres ces trois-quarts centre perce-murailles de l’équipe de France, tel Damien Traille (1,94m, 104kg), sinon des destructeurs du rêve rugbystique? La grâce ailée des trois-quarts d'antan (...) a laissé place aux chars d'assaut sans subtilité ni poésie, pratiquant un panzer rugby. L'impression que ce sont des êtres humains ordinaires qui concourent sur le terrain s'est perdue chez beaucoup de spectateurs. Il importe d'en rechercher les raisons.
Comme le rappelle Daniel Herrero, évoquant dans un superbe livre, « L ‘ Esprit du jeu », l'uniformisation des corps, le rugby était naguère le jeu de l'humanité ordinaire où se retrouvaient, autour d'un ballon aux rebonds capricieux, le gros courtaud et le grand maigre. Don Quichotte et Sancho Pansa, Astérix et Obélix, le petit dynamique à qui revenait le poste de demi de mêlée, le bedonnant destiné au poste de pilier ou de talonneur. Chacun pouvait y jouer, chacun pouvait s'y illustrer. La Coupe du monde 2007 a montré autre chose : les différences deviennent imperceptibles entre un arrière, un trois-quarts centre et un troisième ligne. Universalisé par les médias, le rugby n'est plus jouable par chacun: il n'est plus un sport universel. (...) Une distance infinie s'est creusée entre nous, humains ordinaires, humains de la rue et des trottoirs, et les joueurs, humains fabriqués pour les grandes compétitions sportives, humains.
Le sport est-il inhumain? ICI
29 juillet 2016 | Leszek Sibilskides
*Agrégé de philosophie et aujourd'hui chercheur au CNRS, Robert Redeker, 61ans, est l'auteur de plusieurs essais, dont Le sport contre les peuples (Berg, 2002). Fin 2006, il fut l'objet de menaces de mort après la parution dans Le Figaro d'une tribune critiquant l’Islam. La rédaction du Figaro se désolidarise de Redeker et présente des excuses sur Al Jazeera. Pierre Rousselin, directeur adjoint de la rédaction du Figaro, estimera que cette publication a été « une erreur ». L'article est enlevé du site web du Figaro, mais il y est remis par la suite.
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« Les Russes ont fasciné le monde entier avec Spoutnik, et, comme les Etats-Unis, ils garderont leur supériorité militaire. La Roumanie, elle, fait de celles que Béla appelle ses « fillettes missiles » le show mondial le plus adorablement fascinant avec l’arme suprême : la bombe Nadia C., qui exécute ce que des spécialistes américains évoquent en ces termes, « de la démence pure, une impossibilité biomécanique ».