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25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 06:00
Les vins qu’aime Thierry Desseauve sont « sans idéologie », celle-ci n’étant toujours, selon le mot de Raymond Aron, que les idées des autres.

La maison B&D part en croisade pour la bonne cause et Thierry Desseauve, chevalier blanc du bio salvateur, entend bien chasser « les nouveaux marchands du temple et les « bistrotiers naturistes » qui profitent de notre crédulité en cherchant à faire du bio ce qu’il n’est pas : un argument commercial et un combat de chapelles. »

 

Le titre de son interview dans Men’s Up : l’homme au quotidien claque tel son oriflamme de la charge contre les infidèles :

 

«LE BIO DANS LE VIN N’EST PAS UNE AFFAIRE IDÉOLOGIQUE»

 

L’idéologie est à consommer avec modération nous conseille Thierry Desseauve

 

Ha ! l’idéologie, les idéologies, celles dont le fin Raymond Aron disaient qu’elles n’étaient toujours que les idées des autres, en l’espèce celles des marxistes de l’Est et de leurs avatars socialistes à l’Ouest, ces «idéologues».

 

Dans mon longue vie publique j’ai toujours été fasciné par ceux de mes interlocuteurs qui, face à un gugusse collaborant avec un pouvoir dit de gauche, se dédouanaient par un « moi, vous savez je ne fais pas de politique »

 

Cette gauche dont, moi qui ne suis qu’un social-démocrate non révisé, un social-traître non amendable, je n’ai jamais très bien cerné les contours tracés par les adeptes de l’Union de la Gauche, a eu, pendant tout le temps de la guerre froide, du Mur de Berlin, une sorte de monopole de l’idéologie. Les gens d’en face se drapaient dans le sens des réalités, d’un pragmatisme efficace, des gestionnaires quoi loin des idées fumeuses, pire des rêveurs, des utopistes…

 

Et puis avec la chute du mur, la débandade des pays du socialisme réel, la conversion chinoise aux beautés du marché, ce devait être la fin des idéologies, la fin de l’Histoire.

 

Johann CHAPOUTOT Historien, professeur à la Sorbonne-Nouvelle, Paris-III pose la question : La fin des idéologies ?

 

L’histoire n’a pas pris fin en 1990, et c’est tant mieux. L’épuisement du socialisme ou la déshérence du capitalisme ne signifient pas que nous renoncions à imaginer d’autres mondes possibles.

 

« Il faut faire un effort considérable pour se souvenir des années 90, cette période qui nous semble proprement préhistorique, où l’on envisageait, avec espoir, le monde d’après la guerre froide. On parlait de fin de l’histoire, car il n’y avait plus de dialectique des forces, le duel entre Est et Ouest, entre socialisme autoritaire et capitalisme libéral, s’étant soldé par la victoire du second sur le premier. Enfin allait-on pouvoir passer aux choses sérieuses et s’occuper du «réel», celui que prenait en charge le capitalisme vainqueur d’une ordalie historique qui avait occupé le dernier demi-siècle. L’idéologie était congédiée, elle qui, au fond, selon le mot de Raymond Aron, n’était toujours que les idées des autres, en l’espèce celles des marxistes de l’Est et de leurs avatars socialistes à l’Ouest, ces «idéologues», qui avaient voulu planifier et nationaliser avant de se heurter à la libéralisation reagano-thatchérienne des années 1979-1983.

 

Fin des idéologies, et fin de l’histoire : après la lutte, après les guerres, fussent-elles froides, advenaient enfin la grande stase de la paix, et la grande extase d’un progrès indéfini. Tout ce qui arriverait, désormais, irait dans le bon sens : avec la mondialisation des échanges, c’est le grand rêve du XVIIIe siècle libéral qui se réaliserait en cette fin de XXe - le commerce ouvrirait les portes, les cœurs et les intelligences, diffuserait le bien-être et les idées qui le sous-tendaient. »

 

La suite ICI 

 

 

Mais revenons au VIN où le monopole de l’idéologie serait entre les mains d’une bande d’hurluberlus, de chevelus, de gauchos, de bobos-alternos, d’exploiteurs du goût d’une génération pour ce qui est naturel, le respect de l’environnement, la préservation des écosystèmes, la santé de ceux qui travaillent dans les vignes…

 

Là, je le concède sans problème à Thierry Desseauve, pour ces vignerons-là, et leurs supporters, c’est un combat idéologique revendiqué, assumé et souvent sans concession. Ils sont minoritaires, souvent en butte à l’idéologie dominante véhiculée par les dirigeants du syndicalisme majoritaire.

 

Toute l’histoire de l’agriculture biologique témoigne de ce combat contre les tenants du statuquo joliment qualifié de conventionnel. Le choix du bio par les agriculteurs, les viticulteurs fut un choix de convictions bien ancrées au nom de leurs idées. Très longtemps ignorés par les pouvoirs publics ils ont dû combattre. Ce combat n’est pas gagné et, même si les tenants du bio sont portés par une tendance lourde, l’arrivée du plus grands nombre n’efface en rien les fractures.

 

À dessein je n’aborde pas la biodynamie au contenu idéologique fort, controversé, mais qui pour Thierry Desseauve est une vache sacrée dans la mesure où des grands noms de vignerons s’accrochent à ce choix. Faut pas fâcher !

 

Reste que pour la sphère majoritaire des viticulteurs et vignerons pratiquant des méthodes de culture utilisant toute la panoplie de la chimie moderne, nous faire accroire que ce choix, assumé lui aussi, revendiqué même par certains, ne relève pas d’un choix idéologique, c’est vouloir neutraliser, si je puis m’exprimer ainsi, la pensée dominante celle qui combat avec virulence l’interdiction des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles. Sans tomber dans les clichés éculés sur le libéralisme, il n’est pas interdit de souligner que les adeptes de l’agriculture destinée à nourrir le monde ne sont pas indemnes d’idéologies.

 

Mais comme le disait les pancartes de la SNCF « attention un train peut en cacher un autre » derrière la charge de Thierry Desseauve se cache un rude combat commercial : celui du marché d’une partie de la nouvelle génération facilement regroupée sous la bannière naturiste. Ses tenants ont une part de voix médiatique bien plus grande que leur poids économique, ils font beaucoup de bruit dans les médias, les réseaux sociaux, et créent la tendance, conquièrent doucement mais sûrement des pans de consommateurs.

 

C’est pour cette raison que Thierry Desseauve y va à la hache et, je rassure son compère Michel Bettane, c’est son droit :

 

« … d’autres sont imbuvables et ne transmettent pas le caractère de leur terroir. La vinification n’est pas une opération naturelle, elle est menée par l’homme. Le bio peut aider à mieux valoriser le terroir, mais si vous êtes un vinificateur de 3e catégorie ou si vous récoltez trop tôt, cela ne sert à rien. » Mais à travail de vinification égal, le bio fera toujours la différence. « Un vin issu de la viticulture bio avec une vinification biologique donnera un meilleur produit qu’un vin de viticulture industrielle » tranche Thierry Desseauve.

 

J’ignore quels sont les critères qui permettent de classifier les vinificateurs mais ce que je sais c’est que beaucoup de chais sont des boîtes noires où, à l’abri de tout ce que permet la législation, je ne suis pas certain que le fameux terroir soit vraiment valorisé par les vinificateurs stars ou obscurs, au sens non économique bien sûr.

 

Enfin, la notion de vin industriel est d’une géométrie complexe car beaucoup de vignerons-artisans utilisent les mêmes process conseillés par ceux qui sont payés pour les conseiller.

 

Là encore, par-delà les choix de culture de la vigne où, à mon sens, la chimie extrême doit être bannie, la France du vin n’a jamais voulu sortir de l’ambiguïté dans laquelle se meut le tout AOP-IGP. J’ose affirmer, et je l’ai toujours écrit, que je préfère un vin technologique qui assume son nom, pour des raisons économiques et commerciales, à un vin dit de vigneron, ou mieux de propriétaire qui se présente masqué. Cap 2010 demandait de faire des choix, il avait un fort contenu idéologique ce qui a conduit cette note stratégique au cimetière de l’immobilisme à la française.

 

Mais bon, dans son papier du Monde Prix du vin : l’ivresse des extrêmes , Ophélie Neiman semble découvrir avec surprise un autre monde que celui qui agite les joutes entre les « grands amateurs » et les naturistes :

 

« Retour à la réalité, FranceAgriMer publie son bilan 2015 des ventes de vins en France, et le constat est bien différent : nous dépensons en moyenne 2,63 euros pour une bouteille. Et 3,24 euros quand nous achetons en grande surface. De la romanée-conti au petit pinard jeté dans le chariot du supermarché, deux mondes gouvernés par une loi de l’offre et de la demande pas toujours.

 

  • Avec 41 millions d'équivalent bouteille (75 cl) vendus 2015, Roche Mazet leader marché des vins tranquilles France. Peu présent à l'international - 4 millions d'unités vendues en 2015. Le numéro deux sur le marché français des vins tranquilles n'atteint pas 24 millions de bouteilles vendues en 2015. Il s'agit de la marque les Ormes de Cambras, elle aussi propriété de Castel.
  •  

Les beaux chiffres du commerce extérieur dont tout le monde se gargarisent ne sont que les grands chênes : Cognac, Champagne, Grands crus de Bordeaux et de Bourgogne, qui masquent le taillis du reste de la production française qui est majoritairement ancrée au marché domestique ne générant que très peu de valeur.

 

Et si le vrai et nécessaire débat se situait à ce niveau, ces 2 mondes, mais là je sens que certains vont m’accuser de brasser de l’idéologie, comme un parfum de lutte des classes. Ce ne serait pas pour me déplaire car ça redorerait mon blason auprès de ces fameux cavistes mélanchono-bobo-alterno qui me trouvent vraiment trop rocardo en voie d’extinction…

 

Je souligne sans malice aucune que l’intervieweuse dans le chapeau de son interview avait bien pris soin de préciser que « Cela fait vingt ans déjà que Thierry Bettane et son complice Michel Bettane éditent le Guide des Vins, une référence sur le marché. Fins connaisseurs du secteur, proches des vignerons, les deux hommes ne s’économisent pas quand il s’agit de mettre en valeur le travail des viticulteurs. »

 

Pour terminer une question : la ligne de partage entre les vins honnêtes et ceux qui ne le sont pas ne se situe-t-elle pas dans la césure nette entre les bio et ceux qui ne le sont pas ?

 

En cadeau Bonux un bel exercice de jésuitisme à la sauce bordelaise  En idéologie comme en toute chose, point trop n’en faut.

 

 

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