L’ultime avantage d’être un vieil homme indigne n’empruntant plus que les voies de garage c’est de pouvoir baguenauder, faire ce qui lui plaît, contempler avec gourmandise le bal des vanités, jouir comme un 68 hard attardé de tout, vanner, boire et manger.
Avant de me rendre, sur mon vélo à belles pédales, au sommet de la boboïtude exécrée par qui vous savez je me suis imposé un cahier des charges.
En effet, le cahier des charges c’est très tendance y compris dans l’univers libertaire des vins nus. Faut trier le bon grain de l’ivraie mes poteaux ! Chasser du jardin de l’Eden les affreux jojos ! Confier son destin aux certificateurs de tous poils ! Vive les chaînes !
Alors va pour mon cahier des charges perso pour le Salon des vins à poils ou presque !
Son contenu fut simple à écrire car il est aussi mince que la contre-étiquette d’un slip brésilien.
Nul besoin de convoquer l’ODG, de passer sous les fourches caudines de l’INAO’Q, de me soumettre à la diversité des doxa des intégristes ou des laxistes, d’augmenter mes coûts de production en raquant pour me faire contrôler, mais seulement de jouer la simplicité : ME TAIRE !
Pas simple eu égard à ma surface médiatique et à mon ego surdimensionné, mais il faut savoir mettre la barre très haut pour se motiver.
Samedi matin l’effet vin nus jouait à plein : le soleil parisien pointait enfin le bout de son nez !
J’optai donc pour le bleu en vêture et le blanc pour mon chèche.
Au pied de la rue pentue de Ménilmontant j’avais les pieds gelés et mon estomac criait famine. Je déviais de ma trajectoire pour me poser au bord du bar du restaurant de mon ami Michele le Dilia. Bonne pioche : le risotto sèche cédrat m’emplissait la panse et je pouvais me relancer dans la pente tel JP Raffarin au sommet de son art.
Pour faire sérieux je portais en bandoulière mon petit LEICA bien décidé que j’étais de mettre en boîte les belles du salon.
Hé oui, le naturisme attire les libellules et la gente masculine n’y est pas outrageusement majoritaire. De plus aucun risque d’y croiser les habituelles faces de nœuds, les pique-assiettes patentés, les cornichons au vinaigre, l’engeance des pinces-fesses de Butane&Degaz ou du Denis dont la belle-mère ne boit que du Bordeaux.
Ignorant le verre qu’on m’avait tendu à l’entrée je me mis à shooter comme un dératé.
Et puis vint l’heure du grand débat philosophico-politique sur l’essence du naturisme. Y aller ou ne pas y aller, that’is question ?
Me dérober eut été ne pas oser éprouver la solidité de mon cahier des charges, alors je descendis dans l’arène fort paisible et posai mon postérieur sur une chaise peu confortable.
Sur l’estrade du beau monde : Éric Rosaz l’accusé, Antoine Gerbelle l’avocat, Gilles Azzoni le prévenu et Antonin Iommi-Amunategui le procureur.
N’attendez pas de moi un compte-rendu d’audience, celle-ci fut transmise sur Périscope, le nouveau média jeune popularisé par le délicat Serge Aurier.
Je vous rassure nul noms d’oiseaux n’y fut lancé même qu’un bordelais, qui évita de se présenter, pu prendre la parole sans se faire conspuer.
Bref, si la faim ne m’avait pas de nouveau tenaillée je me serais assoupi comme le bel Olivier de Pomerol et le Jérémie de Télérama qui sait maintenant faire du millet au lait grâce à votre Taulier.
Heureux comme un vigneron qui a respecté son cahier des charges et qui ne s’est pas fait bouler à la dégustation parce que son vin n’était pas le cousin-germain des adeptes de la chirurgie esthétique, je gagnai le lieu de la mangeaille.
Là, Emmanuel Chavassieux, l’homme de la saucisse au couteau, officiait. Il servait, rien que pour emmerder le Pr Tiron de Barcelone, un hamburger à la crépinette fort goûteux.
Mon corps apaisé par l’effet du solide et du liquide pouvait se lancer dans l’arène dégustative située à l’étage.
C’était blindé. Des tribus de bobos et de bobottes à lunettes glougloutaient hardiment.
Je me contentai de mettre mon nez dans les blancs.
Mon grand âge me fit redescendre vers le temple plus calme de la bonne bouffe où j’assistai à l’éventration d’une meule de Parmesan.
Ensuite je bus un thé Neiges de l’Himalaya préparé par Sandra chez l’ami Emmanuel Buschiazzo.
Moi suis caféinomane je prends toujours une Claque chez Sandra et Emmanuel.
N’étant pas un adepte du Jour Debout ma vieille carcasse se sentait lasse et aspirait à la couette.
Clap de fin du premier jour
Dimanche, le thermomètre montait en degrés, je décidai donc de faire l’ouverture du salon pour exercer mon immense talent de buvaison.
Le LEICA resta à la maison. J’avalai guilleret la pente de Ménilmontant et toujours aussi foutraque je commençai par siroter du blanc. Pas n’importe quel blanc : des blancs de blancs et des blancs de rouge estampillés vins de pays de Champagne.
Ensuite, comme les bêtes à cornes ont peur du rouge je me suis tapissé le palais de rouge mais pas que, je me suis laissé tiré par la manche vers les blancs...
Mais au dehors le soleil dardait enfin des rayons ardents et sur la terrasse de la Bellevilloise je pressentais que les places allaient être chères pour bénéficier de leurs caresses. Je décidai de m’y installer.
Précision, en ce dimanche j’avais opté pour l’orange.
Mon silence et mon recueillement ne furent troublés que par des groupies bien jeunettes qui me couvrirent de compliments. J’avoue ne pas avoir rougi, ma peau de mauricaut adore aussi bien le soleil que les compliments.
Je fis donc le lézard. Mes voisines m’abreuvaient, l’une d’elle me roulait des petites clopes, heureux comme Alexandre le Bienheureux je me disais que ça n’était pas si mal d’être vieux.
Que voulez-vous, nulle part ailleurs qu’au Salon des Vins nus vous ne pouvez contempler le spectacle d’un Christophe Ligeron adorateur des Kolkhozes et des Sovkhozes faire la queue pour acheter une miche de pain ; vous faire photographier en compagnie de Paco le Rouge d’Ivry, voir Jean-Charles Botte le sommelier de Norvège emplir votre verre d’un Rivesaltes des années trente ; croiser des limiers égarés de la RVF non accompagnés par Butane&Degaz en retard d’une guerre…
Que du bonheur !
Mais comme toutes les bonnes choses ont une fin je me repliai sur ma base arrière du Lapin Blanc où les cantinières Gaëlle et Claire m'attribuèrent une nouvelle paternité. C’est ainsi on ne prête qu’aux riches.
Ce salon, où n’il n’y avait pas que du bon et pas non plus que des vins qui puent, m’a donné toute satisfaction par son côté dispensateur de bonheur, même que des petits cœurs y ont trouvé l’amour. C’est si rare par les temps qui courent de croiser des sourires, d’emmagasiner des rires, que je me tâte : vais-je lancer une OPA sur le Salon des Vins Nus ?
Affaire à suivre…