C’était un temps où je jetais sur des petits carnets mes épluchures de vie.
Alors, en ce lundi, où l’on me dit qu’il faudrait travailler, je vais contrarier ceux qui disent nous gouverner en vous en livrant un petit tas de ces épluchures de vie.
Adelphine Volant
Née cerf
Était le tout petit propriétaire
D’un arbre à cames rutilant
Planté par son grand-père
À l’extrême pointe de l’Entre-deux-Mers
Là où les cerfs
À chaque saint Vincent
Sous la voute claire du ciel d’hiver
Venaient copuler avec le vent.
Fille d’une mère maquerelle
Adelphine vit le jour un matin
Au cinq bis de la rue de la Grange-aux-Belles
Près du canal Saint-Martin.
Sans père
Adelphine embrassa la carrière de putain
Impasse du Marché aux chevaux
Fourmi laborieuse de bord de caniveau
Elle rêvait d’acheter des carambars
À Zanzibar
En passant et repassant un vieux disque de Los Machucambos.
Un matin du grand soir
Adelphine rencontra un grand noir
Qui l’enleva sur son vieux sampan
Sur la cime ourlée d’un ouragan
Né de la fornication subreptice
D’une bulle de savon avec le l’appendice
D’un grand clown blanc.
Ils voguèrent sans jeter un regard
Aux rats des villes et aux rats des champs.
De leur fol abandon naquit un bel enfant
Aux élytres piquetés d’or
Adelphine l’expulsa de son corps
Si violemment
Que des volutes du bleu des cieux
Se fichèrent au fond des yeux
De la nouvelle-née.
Une nuée de fous de Bassan
De leurs ailes déployées
Les portèrent tout au bout de la terre
Là où le ciel se confond avec l’horizon
Étroit condominium
Où le lait de paisibles chamelles
Nourrit les plus belles des tourterelles…