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17 mai 2016 2 17 /05 /mai /2016 06:00
C’était au bon temps de Staline la cantine du NKVD de Beria puis une table chic où se pressait la nomenklatura soviétique : Aragvi, rouvre ses portes à Moscou

La Nomenklatura désigne à l’origine, la « nouvelle aristocratie » qui a exercé le pouvoir en Union soviétique et qui a collectionné les privilèges de toutes sortes : hauts salaires, restaurants particuliers, hôpitaux spéciaux, logements de qualité, facilités de voyage… Cette «nouvelle classe» - moins de 1,5 % de la population – vivait dans l’opulence, avec ostentation, sans mauvaise conscience dans des démocraties dites populaires où le politique et l’économique étaient imbriqués via une bureaucratie toute puissante et incompétente.

 

Corruption, bakchichs, pots de vin, y régnaient en maître tout comme dans nos démocraties électives. La chute du mur a emporté le socialisme réel pour laisser en Russie la place aux oligarques et les ex-démocraties populaires ont rejoint l’UE. La Chine s’est réveillée avec Deng Xiaoping « Peu importe que le chat soit noir ou blanc pourvu qu'il attrape les souris ! ». la mondialisation et la financiarisation du monde a fait éclore dans les pays émergents des nomenklaturas économiques.

 

Bref, le fossé se creuse entre cette poignée de nantis, nouveaux riches, milliardaires et le reste de la population. La classe moyenne du bas est siphonnée, celle du haut résiste mais commence à désespérer.

 

LE MONDE du 12.05.2016 titrait La comédie humaine des rémunérations patronales 

 

« La rémunération des dirigeants des grandes entreprises est, une nouvelle fois, le sujet d’un spectacle qui ressemble à une comédie de Molière. Cette année, les deux frères ennemis de l’automobile française, Carlos Ghosn, chez Renault, et Carlos Tavares, chez Peugeot, jouent la surenchère pour dépasser leurs rémunérations respectives. Le second ayant rattrapé le premier en obtenant 5 millions d’euros par an, ce dernier a tenté de passer à plus de 7 millions, contre l’avis de ses actionnaires.

 

Au théâtre de la puissance, le salaire élevé traduit la grandeur des personnages, et la manière de s’octroyer ces hauts revenus est l’objet d’intrigues souvent alambiquées. Outre l’opinion et les politiques, les administrateurs et les actionnaires ont un rôle éminent dans la pièce. A chaque arrivée et à chaque départ d’un dirigeant, mais aussi, de plus en plus, à chaque assemblée générale annuelle, se pose donc la question de L’Avare de Molière : « Que diable, toujours de l’argent ! Il semble qu’ils n’aient autre chose à dire : “De l’argent, de l’argent, de l’argent.” »

 

Et comme sur cet espace de liberté on parle de vin et de bonne chère il n’est pas inconvenant de souligner que les prix stratosphériques de certains vins, des tables et des suites des palaces sont soutenus par cette nouvelle nomenklatura. L’argent n’a pas d’odeur mais à trop l’étaler de manière ostensible on se met à la merci de la colère populaire prompte à rallier les démagogues de tous bords.

 

Les démocraties électives, souvent impuissantes face aux nouveaux barons de l’économie, sont certes critiquables, leur personnel politique est décrédibilisé, vilipendé, parfois corrompu mais elles présentent un avantage qu’il ne faut pas oublier : « on peut toujours enclencher la marche arrière » alors que là où le pouvoir politique est entre les mains d’une oligarchie qui joue sa survie c’est difficile.

 

Renverser la table certes mais qui ramassera les morceaux ?

 

Nul ne répond à cette question chez les extrêmes, quant aux partis dit de gouvernement leur impuissance les condamne à l’éclatement. Alors, recomposition, renouvellement des « élites », je ne sais mais ce que je sais c’est que gérer nos contradictions, nos refus, réclame non des « hommes providentiels » mais à un réel sursaut de l’esprit public des citoyens-consommateurs.

 

 

Après cette longue digression revenons à la réouverture du restaurant Aragvi à Moscou sur fond de nostalgie d'un passé révolu.

 

« Tout Moscovite qui a eu la chance de rentrer dans ce restaurant mythique proche du Kremlin, réputé à l'époque soviétique pour sa cuisine géorgienne, en garde un souvenir ému.

 

« En URSS, évoquer le fameux poulet d'Aragvi, grillé avec des noix et de l'ail, servait de mot de passe pour entrer dans la crème de la société", se souvient Nelli Maksimova, 83 ans, une ancienne traductrice. « Et il était vraiment délicieux, leur poulet! »

 

Souvent cité dans le cinéma et la littérature soviétique, Aragvi était un peu l'équivalent à Moscou du célèbre restaurant parisien Maxim's et n'était accessible que pour ceux qui étaient capables de payer un dixième du salaire mensuel moyen pour un dîner à côté d'artistes, de cosmonautes, cinéastes ou champions d'échec. »

 

Fermé ferme en 2003, ses nouveaux propriétaires, le groupe Tachir et Gor Nakhapetian, ancien dirigeant de la société d'investissement Troïka Dialog emblématique de la Russie post-soviétique, décident de mettre sur la table plus de 20 millions de dollars pour "relancer la légende soviétique". De longs travaux s'ensuivent, jusqu'à la réouverture des lieux en avril 2016.

 

« Le menu allie les classiques de la cuisine géorgienne qui ont fait sa réputation comme les khinkali (gros raviolis remplis de viande et de bouillon) ou les khatchapouri (pâte à pain couverte de fromage) à des plats de la mer Noire (rillettes de hareng, bortsch...) »

 

 

Lire ICI ma chronique : La cuisine ukrainienne nourrissait quasiment tout l’empire socialiste : « chitnitza » le garde-manger du pays (un texte à lire pour comprendre l’Ukraine)

 

 

 

 

Les auteurs, russes ayant vécu les « beaux jours » de l’URSS, installés en Allemagne notent :

 

« L’ingrédient le plus important de la cuisine russe est l’humeur du cuisinier. Dans un bon jour, il est capable de sortir de sa toque un esturgeon rempli de caviar, de jongler avec des brochettes devant la table, ou de cracher du feu avec de la vodka. Dans un mauvais jour, cela peut devenir encore plus acrobatique. Il faut absolument vider son assiette, car les cuisiniers russes sont très susceptibles. »

 

« Si dix BMW noires sont garées devant le restaurant, ne pas entrer, changer de trottoir et faire comme si on avait l’intention d’aller dîner ailleurs. »

 

« Les Russes y cuisinent pour les Russes… »

 

Nostalgie quand tu nous tiens :

 

« Lors des travaux de rénovation, les restaurateurs ont découvert des maçonneries d'un palais du XVIIe siècle et des vestiges d'une rue moyenâgeuse qui servent aujourd'hui de décors pour les sous-sols du nouvel Aragvi.

 

Mais dans les principales salles du restaurant rénové, c'est le grand style soviétique que rappellent les motifs du décor: tracteurs, gerbes et ouvriers radieux, notamment dans l'ancienne salle qui était réservée à Lavrenti Beria, chef de la police secrète de Staline et à l'origine de la création du restaurant en 1938, à l'apogée des purges.

 

Situé dans un ancien hôtel où étaient descendus les écrivains Léon Tolstoï et Anton Tchekhov, l'établissement tient son nom de la rivière géorgienne Aragvi.

 

A l'époque, certaines denrées arrivaient alors à Moscou dans un wagon spécial du train de Tbilissi, notamment des ingrédients destinés à la préparation du "satsivi", dinde servie froide dans une sauce aux noix.

 

Sous Staline, originaire de Géorgie, « la cuisine géorgienne était servie au Kremlin et perçue comme la cuisine des tsars par les Soviétiques », observe Léonid Parfionov, auteur de plusieurs ouvrages sur la vie quotidienne en URSS. Et bien après la mort de Staline en 1953, « dans un contexte de morosité alimentaire soviétique, la tradition géorgienne, avec ses vins et épices, respirait la joie de vivre, et Aragvi a été un symbole de chic soviétique ».

 

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