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14 mars 2016 1 14 /03 /mars /2016 06:00
Les petits producteurs se sont trouvés une nouvelle Jeanne Hachette, j’en connais un le basque Mixel Berhocoirigoin fier d’être paysan.

À Beauvais, le 22 juillet 1472, une certaine Jeanne Hachette met en déroute l'armée de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. 

 

« Que venait-il combattre devant Beauvais ?

 

Ou plutôt qui ?

 

Le roi, bien sûr. En 1472, Louis XI (1423-1483), fils de Charles VII, règne depuis onze ans. Il déteste son cousin bourguignon. Il est vrai qu'il était difficile de faire s'entendre deux êtres si dissemblables. Le roi est austère, il refuse de paraître, s'habille comme un bourgeois, ne sacrifie pas à la pompe royale. Il est considéré comme un bon roi du point de vue de sa gestion du royaume, mais comme un fort méchant homme. Le duc de Bourgogne au contraire ne se plaît qu'en représentation, en affirmation spectaculaire de sa puissance. Pour tout dire, il aspire à régner. Mais, là, il lui faut compter avec l'Angleterre. »

 

Même sans l’avoir nommée, ses fans de Face de Bouc auront reconnu Isabelle Saporta qui après avoir dézingué à la sulfateuse, dans son précédent ouvrage, VinoBusiness, ce pauvre Hubert de Boüard de Laforest, monte au créneau pour se porter au secours des petits producteurs, défenseurs de notre beau terroir, en butte à la chape des normes concoctées par une Administration à la solde des multinationales.

 

Nos ingénieurs, nos vétérinaires n’aiment guère cette engeance de petits producteurs frondeurs qui passent leur temps en dehors de leurs beaux clous. Eux ils aiment beaucoup le béton, le grand avec plein d’investissements, les assemblées générales du Crédit Agricole, les beaux dossiers PAC, les contrôles, à se demander pourquoi on leur a fait suivre des cursus couteux, écoles vétérinaires, agro, ENGREF, pour en arriver à une forme d’administration que Courteline ne renierait pas.

 

Notre nouvelle Jeanne Hachette ne se fait pas prier, en un road-movie rural, elle taille en pièces la belle cogestion du 78 rue de Varenne, celle qui voit le Ministre et sa grande administration coucher dans le même lit que la FNSEA. Mais attention, notre Jeanne ne fait pas que des moulinets, elle accumule des munitions, du lourd, du solide, de l’argumenté, des faits, je crois qu’on appelle cela de l’investigation. C’est rare et c’est heureux de donner à lire du contenu. Bien sûr c’est moins bandant que la saga du Sarkozy de Saint-Émilion mais c’est un petit caillou dans les grolles de Le Foll et de la mécanique infernale des normes de tous poils.

 

La bureaucratie n’aime rien tant que de générer de la substance pour justifier son existence, elle est conservatrice, frileuse, incapable de dépasser les limites de son univers bien confortable. Dans son Foutez-nous la paix ! Isabelle Saporta engage une résistance salutaire contre ceux qui veulent faire notre bonheur à notre place. Je la trouve parfois bien indulgente à l’égard de la bureaucratie de l’UE, la pire qui soit dans notre monde civilisé et mondialisé. L’URSS s’est délité en grande partie du fait de l’incompétence de ses bureaucrates, l’UE prend le même chemin avec ses lourds bataillons de Berlaymont qui conjuguent hyper-compétence et arrogance.

 

Dans le combat de notre Jeanne Hachette face à l’hydre FNSEA je voudrais faire entendre une petite musique qui ne va pas forcément plaire aux minoritaires, tout particulièrement à la Confédération Paysanne.

 

En effet, j’estime qu’elle porte une part de responsabilité dans le maintien de l’hégémonie de la FNSEA. Pourquoi diable me direz-vous ? Tout simplement parce qu’elle véhicule une image du petit producteur « misérabiliste ». Pauvre forcément pauvre, ce qui se traduit par une désaffection dans les urnes aux élections aux Chambres d’agriculture. Le contre-modèle économique qu’elle dit défendre, avec très souvent des arguments très sérieux, ne trouve qu’un faible écho car, j’ose l’écrire même si je ne vais pas me faire que des amis, il fait fi d’une forme de réussite sociale. Je ne vois pas au nom de quoi le paysan petit-producteur, sa famille, devrait être des damnés de la terre au service d’un juste combat.

 

J’ai toujours tenu ce discours à mes amis de la Confédération Paysanne, contrairement aux hiérarques du PS, Le Foll en étant le dernier avatar, qui dans l’opposition passaient leur temps à faire des papouilles de gauche aux confédérés pour mieux les snober lorsqu’ils avaient le cul dans leur fauteuil ministériel.

 

Pour preuves : j’ai fait reconnaître devant l’AG du Conseil d’État le décret sur la représentativité syndicale, qui a permis à la CP d’être un syndicat ayant pignon sur rue, contre l’avis de mon Ministre Henri Nallet et lorsque Louis Mermaz fut Ministre il n’a jamais reçu la Confédération Paysanne c’est ma pomme qui s’y collait.

 

Bref, je garde le souvenir de ces réunions un peu bordéliques avec en tête une figure qui me fut de suite sympathique, celle de Mixel Berhocoirigoin, le producteur de lait du Pays basque. Compétent, connaissant parfaitement le dossier des quotas laitiers, ouvert à la discussion, ferme sur ses convictions, un interlocuteur de qualité. Nous l’appelions Berhoco et jamais il ne se serait départi de sa bonne humeur têtue. Bien souvent j’avais envie de lui dire que c’était lui qui avait raison mais je n’étais pas le Ministre en exercice qui lui préférait largement passer ses après-midi rue de Solférino.

 

Michel Berhocoirigoin et à sa gauche le ministre Stéphane Le Foll en octobre 2012 au 7e Salon de l’agriculture paysanne, LURRAMA, à la Halle d’Iraty à Biarritz.

 

Je comprends qu’Isabelle Saporta ait accroché ses pas à Mixel Berhocoirigoin, à ses combats, il en vaut la peine.

 

Cet homme aime profondément son pays, ses brebis, ses vaches, ses produits. « Tu vois ces vaches blondes des Pyrénées ? Elles s’occupent du fourrage grossier. Pour la seconde coupe, ce sont des brebis manex, à tête noire ou à tête rousse, qui prennent la relève. Pour faire du bon lait, elles ont besoin d’une herbe fine. »

 

Il veut réimplanter la sasi ardi « une vaillante brebis autrefois présente dans toutes les fermes de cette belle région, et qui vient de gagner, comme un pied de nez, un concours de l’innovation pour ses qualités de débroussailleuse ! Peu laitière, c’est sa viande qui est valorisée dans les plus grands restaurants. »

 

Ému notre Berhoco « Regarde toutes ces fermes accrochées là où elles peuvent arracher un petit bout de prairie à la montagne, elles sont ici parce qu’elles ne pourraient être nulle part ailleurs. Et les emplois qu’elles génèrent sont viscéralement liés à leur territoire. Ils font vivre nos jeunes, nos services publics, nos écoles et créent de la richesse sur place. »

 

Créer de la richesse !

 

« Nous ne voulons pas d’une agriculture qui s’oppose à la société civile comme ne cesse de le faire le modèle industriel. On est fier d’être des paysans. Fiers de forger nos paysages. De respecter notre eau, de faire vivre notre territoire, s’émeut-il. Et on a besoin de vous pour nous soutenir, parce qu’une fois qu’on aura cassé tout ça, on ne pourra pas revenir en arrière. »

 

Ossau-Iraty, piment d’Espelette, des beaux produits, des produits d’avenir… Le road-movie rural d’Isabelle Saporta est bien loin d’un simple pamphlet, c’est un porte-voix offert à ceux qui d’ordinaire n’en ont pas. Sera-t-elle entendue une fois passé le buzz médiatique qui se nourrit de ce type d’ouvrage ? La fameuse société civile qui verse des larmes de crocodiles sur les malheurs des petits producteurs, sans savoir ce qu’ils sont et ce qu’ils font, va-t-elle se réveiller, arrêter de pousser son caddie dans les allées déshumanisées des temples de la GD?

 

J’en doute.

 

Pour créer de la valeur sur nos territoires encore faut-il qu’elle ne soit pas ensuite détruite par des prédateurs qui se servent des petits producteurs comme des leurres.

 

Pour l’heure achetez et lisez Foutez-nous la paix ! vous vous plongerez dans les plis profonds de la France des terroirs et des petits producteurs : la Corse ses brebis, son brocciu, la baie du Mont-Saint-Michel et ses prés-salés, l'Aubrac, le Laguiole d'André Valadier, le Roquefort de José Bové, le pouilly d'Alexandre Bain, le muscadet, le champagne, la poule bretonne, les normes, la pédichiffonnette, les fonctionnaires de tous poils et de toutes obédiences, et bien sûr en guest-star l'INAO...

 

Elle taille, elle taille, de beaux costars notre Jeanne Hachette du XXIe siècle, nouvelle star des plateaux, elle ferraille, sort ses griffes, claque le bec au PACS Le Foll-Beulin, raille les faux-culs, les notables, le petit Yann Moix le soutier d'ONPC... 

 

À quand le poireau ?

 

 

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commentaires

B
Bonjour Jacques,<br /> Relisons ce que Eugène Lacroix disait des paysans en 1868...<br /> <br /> "...à la campagne, en guise de viande, le paysan mange par ci par là une tranche de lard, et s'estime très-heureux quand il peut en goûter chaque dimanche. Il serait fort à souhaiter que l'usage d'une nourriture animale pût se généraliser dans les campagnes. On est accoutumé à répéter que la viande n'est pas indispensable au maintien de la vie, et on cite les paysans, qui, tout en étant assujettis aux plus pénibles travaux, ne se nourrissent que de pain, de fromage et de légumes. Mais si ce n'est point au détriment de leur santé, n'est-ce point aux dépens de leur intelligence? Cette dure existence ne les ravale t-elle pas jusqu'à la brute? Voyez les conscrits qui quittent leurs villages pour l'armée : comme au départ ils sont lourds et grossiers. Le service militaire ne les dégourdit-il pas? Il est moins pénible que le travail des champs, direz-vous, et de plus les spectacles variés et instructifs qui s'offrent aux yeux des conscrits n'aident pas peu à leur ouvrir l'esprit. Oui ; mais la bonne nourriture n'est pas non plus étrangère à ce résultat. Les besoins physiques avaient dégradé les facultés morales et intellectuelles de ces jeunes gens: l'apaisement de ces besoins a rendu l'esprit plus libre et plus disposé à réfléchir et à comprendre.<br /> N'hésitons donc pas à proclamer hautement que si nous voulons former une population robuste et intelligente, ardente au travail, et pour laquelle les choses de l'esprit ne soient point une lettre morte, il faut transformer l'alimentation de nos campagnes. Au lieu d'une nourriture farineuse qui alourdit les facultés intellectuelles et le corps lui-même; au lieu de légumes, de fruits et de fromage, offrons à nos paysans un peu de viande de temps en temps; qu'ils en mangent seulement deux ou trois fois par semaine pendant un an, et au bout de l'année ce ne seront pas les mêmes hommes. Ils seront plus aptes à s'instruire et à profiter, parce qu'ils les apprécieront, des découvertes utiles à la culture et à l'élevage du bétail : par là ils en viendront à augmenter rapidement la production et à exiger du sol, avec le concours d'agents réparateurs, tout ce qu'il est en mesure de produire. Eux-mêmes n'auront plus alors à se priver de rien et ne tarderont pas à exporter à l'étranger leur excédant de produits."<br /> <br /> Belle journée,
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P
Merci pour cette fiche de lecture cher Taulier. Au passage je souligne que, pour une fois nous avons une tête de turc commune le petit, tout petit Yann Moix dont le moindre défaut n'est pas le manque absolu d'humour.Il est peut être, le pauvre, conscient de cette petitesse et c'est pourquoi, par compensation il prend la grosse tête.
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