La mort, chaque jour nous apporte sa charrette de défunts, mais suivant que l’on soit puissant ou misérable le retour à la poussière ne prend pas la même allure. Les premiers salués se voient attribuer des notices nécrologiques plus ou moins bien fagotés ; les autres passent à la trappe sans tambour ni trompette.
Francis Blanche, grand philosophe méconnu, écrivait : « Les huîtres meurent dans le citron, les truites dans le court-bouillon, les langoustes au fond d’un chaudron, les dindes dans les marrons, la rascasse, les maharadjahs dans le patchouli, les doux dingues dans la folie et les généraux dans leur lit. Mais, quand sonne leur heure, les escargots meurent debout, dans l’ail et le beurre. »
Ces derniers jours, Alain Decaux, Jim Harrison, Paul Pontalier et Bertrand Couly nous ont quittés. J’ai bien connu le premier lorsqu’il fut Ministre de la Francophonie de Michel Rocard ; sur le second j’ai souvent chroniqué ; j’ai dû croiser Paul Pontalier à château Margaux et j’avais de l’amitié pour Jacques Couly.
Sur les réseaux sociaux chacun y va de son petit couplet sur les défuntés avec un côté exhibitionniste qui me dérange. Le mort se retrouve dans la triste position de simple faire-valoir : moi avec lui à gauche sur la photo.
Et puis, au pays des Purs, dans un jardin d’enfants, une hécatombe sanglante a coûté la vie à au moins 70 personnes dont de nombreux enfants.
Il y avait eu Beyrouth et Paris, il y aura désormais Lahore et Bruxelles : pourquoi cet attentat suscite-t-il une couverture médiatique moins intense que celui qui a frappé Bruxelles le 22 mars, tuant au moins 35 personnes?
Martin Belam, responsable des réseaux sociaux et des nouveaux formats au Guardian, y répond dans un post publié sur Medium:
« Vous allez voir des gens se plaindre que les médias accordent moins d'importance aux atrocités commises en dehors de l'Europe occidentale qu'à celles qui se produisent dans des villes comme Paris ou Bruxelles. Les données montrent qu'il est bien, bien plus compliqué d'obtenir que les gens lisent ces articles. [...] Il est indéniablement vrai que la couverture est moins importante, mais il est aussi vrai, et regrettable, qu'il semble y avoir encore moins d'audience pour.»
Pour lui, cela ne veut bien sûr pas dire que l'événement doit être minimisé ou oublié, mais cela explique en partie la façon dont il sera couvert:
«Je n'utiliserai jamais une statistique comme celle-ci pour déterminer une priorité éditoriale. L'attaque de Lahore était méprisable, et est clairement le sujet numéro un dans le monde aujourd'hui. Je la placerai toujours en première position. Mais ce que vous constaterez probablement dans les prochains jours est qu'il y aura beaucoup moins de suivi dans les médias qu'il n'y en a eu pour Bruxelles.»
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