Je pédalais pénard sous un petit cagnard d’hiver lorsque mon regard chopait à la volée une pub pour le pinard placardé sur les arrêts de car.
Arrêt illico : photo !
Qu’en faire ?
Le pied de cuve d’une chronique mais qu’en dire ?
Fallait-il que je le dégustasse ou que nous le dégustassions ?
Notez la haute maîtrise de la conjugaison.
Exercice à haut risque car la seule vue de l’étiquette : Sélection Nicolas risquait de fausser le résultat.
À l’aveugle alors ?
J’hésitais lorsque sur l’écran neigeux de mes nuits blanches apparut à nouveau le message :
3 vins, 3 couleurs, 3€ la bouteille… Les Grumes
J’ouvrais.
Du marketing pur sucre, sans génie particulier mais sans doute efficace auprès de la clientèle traditionnelle de la vieille maison.
Donc pas grand-chose à se mettre sous la dent sauf qu’à nouveau sur l’écran neigeux de mes nuits blanches apparu sur les réseaux sociaux le lamento des cavistes «alterno-bobo-parigot »
Afin de ne pas me faire remonter les bretelles je signale que l’appellation « alterno-bobo-parigot » souvent accolée à Mélanchoniens est une marque déposée par le Phoenix d’au-delà des Pyrénées.
Philippe Cuq a partagé la photo de Damien Demichel. (de source sûre dans les milieux bien informés, Philippe Cuq du Lieu du Vin est le Président du Présidium du Soviet Suprême des cavistes alternatifs.)
6 février, 12:50 · Paris ·
3 fois plus de mal de tête et de mal de ventre.
30 fois plus de pesticides.
300 fois moins de plaisir...
Mes vieux neurones se sont alors mis en branle pour éclairer la lanterne du consommateur de vin à 3€.
Ces 3 couleurs sont des Vin de France.
- Grumes rouges : « ce vin rouge issu des meilleurs terroirs de France a fait l’objet d’une sélection rigoureuse de Nicolas. » 12°5
Cépage principal carignan.
- Grumes blanches « ce vin blanc issu des meilleurs terroirs de France a fait l’objet d’une sélection rigoureuse de Nicolas. » 12°5
Cépage principal grenache Blanc et aussi melon de Bourgogne.
- Grumes rosées « ce vin rosé issu des meilleurs terroirs de France a fait l’objet d’une sélection rigoureuse de Nicolas. » 12°5
Cépage principal : cabernet franc, et aussi négrette.
Pourquoi diable Nicolas n’indique-t-il pas sur son étiquette le ou les cépages et le millésime comme il le pourrait ?
Tout bêtement parce qu’ainsi il se laisse toute latitude d’en changer en fonction des opportunités du marché du vrac. En effet, n’en déplaise aux sélectionneurs de Nicolas, c’est d’abord le prix d’achat qui prime. Chez Castel, en bon pinardier, on achète au ras des pâquerettes.
Autre raison, cette gamme de vins basiques ne doit pas faire concurrence à la marque La Roche-Mazet qui affiche les cépages.
Nos 3 Grumes affichent le même degré 12°5
Conclusion du Taulier : ce Vin de France de 3 couleurs est tout simplement l’héritier du bon vieux Vin de Table de France.
C’est sans nul doute du vin de coopé en majorité, sourcé dans South of France principalement, avec une prédilection du côté du blanc à une région où la ressource est bon marché. Le prix toujours le prix.
Sur le plan économique c’est, de la part des acheteurs Nicolas-Castel, de l’économie de cueillette au gré des opportunités du marché, la bonne vieille pratique des marchands de vin. Surtout pas de partenariat trop contraignant, ne pas se lier les mains, mieux vaut s’en tenir à un panier de prix pour tenir les coûts de la sauce.
Reste une vraie question à se poser du côté des cavistes « alterno-bobo-parigot » : leur est-il possible de satisfaire une demande de vin populaire à 3€ ?
Est-ce le même défi à relever que pour l’alimentaire, sauf que bien sûr l’achat du vin quotidien est de moins en moins de mise ? Hier matin, le chroniqueur économique de France Inter, relevait qu’un litre de lait UHT valait le prix d’une seule cigarette.
Pour le vin je ne le pense pas, le modèle Vin de France à haut rendement facteur d’une matière première pas chère n’est pas compatible avec celui du Vin de France dit naturel qui exige des prix de vente élevés.
Ce sont deux mondes incompatibles et c’est se leurrer que de penser que la large part des consommateurs, et pas seulement pour des raisons budgétaires, qui achète des prix va changer ses habitudes d’achat.
On peut le regretter mais les bons sentiments affichés sont vite oubliés par les consommateurs lorsqu’ils poussent leurs caddies dans les allées de la GD. L’exploitation médiatique outrancière des difficultés des agriculteurs et des éleveurs par les politiques, les donneurs de leçons, en est la plus efficace des démonstrations.
Que faire alors ?
Baisser les bras, subir, laisser le fameux marché tout régler, se contenter de slogans, de petites batailles de chapelles…
Je ne le pense pas.
Pour le vin commençons donc par l’essentiel pour un produit qui se revendique festif, lié à son terroir, à son histoire, à ses valeurs de convivialité : revenir à des pratiques culturales respectant l’environnement physique et humain… Le déni en la matière a, et va avoir, des effets de plus en plus dévastateurs sur l’image du vin.
La bataille d’Hernani autour des vins nature est d’une toute autre nature, un conflit de nature esthétique que je ne tiens pas, comme vous le savez, pour négligeable, mais qui ne touche que l’avant-garde, la minorité agissante, le ferment de la contestation sociale chère à Nossiter. Le populo cher à mes amis « alterno-bobo-parigot » ça lui passe largement au-dessus de la casquette…
Grumes : vieux, notamment en Bourgogne et en Beaujolais Grain de raisin. « [Eux qui travaillent la vigne,] les vignerons ont ben le droit d'écraser une grume « (La Petite lune, 1878-79.
« Un grain de raisin. Ce substantif féminin connu depuis 1552 s'est maintenu encore aujourd'hui dans la langue technique de quelques régions viticoles francophones. Il met probablement l'accent à l'origine sur l'épaisse peau emprisonnant la chair sucrée du raisin. »
Bois de grume, en grume, Tronc coupé, ébranché et revêtu de son écorce. Débiter des grumes.