Julia, la séduisante guide et traductrice de l’épopée de la famille Kauffmann sur le champ de bataille d’Eylau, est fascinée par le guide Baedeker que JPK a apporté dans ses bagages. Elle lui emprunte souvent.
- Qu’est-ce que le massepain lui demande-t-elle ?
- Le massepain, un gâteau d’amandes, était la spécialité de Königsberg répond-il.
La pâte d’amande, ou massepain, est une pâte fabriquée à partir d’un mélange d’amandes mondées finement moulues, de sucre et de blanc d’œuf.
Marzipan en anglais et en allemand, et marzapane en italien.
Qu’elles sont les origines de la pâte d’amande ?
Comme très souvent en cuisine : « née de père et de mère inconnus ! »
Ce qui n’empêche en rien « les inventeurs » * de recettes d’avancer de probables origines.
* inventeur au sens de découvreur
Méditerranéenne pour certains : on trouvait, en Italie, un pain d’épice accompagné d’une garniture en pâte d’amande dans un magasin de San Gimignano.
Pour d’autres son origine se trouve en Perse : elle serait apparue au VIIIe siècle où elle était la confiserie des harems d’où son nom Marzapane du nom de la pièce de monnaie Mauthaban frappée dans la ville de Byzance. Elle aurait été introduite en Europe au XIIIe siècle par les Perses, et les croisés vénitiens en auraient percé le secret.
La légende raconte qu’au Moyen-âge, la fille d’un boulanger vénitien, amoureuse, qui aidait son père à mélanger un peu d’amandes pilées dans un grand gâteau, perdue dans ses rêves aurait forcé sur la proportion d’amandes. Le boulanger furieux changea d’avis lorsqu’il goûta le gâteau. Comme souvent à quelque chose malheur est bon : le gâteau était délicieux.
En bon commerçant le boulanger vénitien découpa la pâte crue pour la vendre à ses clients. Il devint riche. Ce nouveau pain fut baptisé Pain Marcus, du nom de Saint Marc le protecteur de la Cité des Doges.
Une autre version vers 1400, encore plus acadabrantesque, avec cette fois-ci la jeune fille d’un confiseur vénitien Badrutt Mark qui, jouant dans le « laboratoire » de son père, renversa du miel dans une masse d’amandes pilées. Le confiseur ». Il moula la pâte en bougie sacrées ornées de décorations vénitiennes, selon la tendance de l’époque, et commença à les vendre.
Mais le massepain par la suite est devenu une spécialité en Allemagne, dans la région de la Mer Baltique, et notamment dans la ville de Lübeck. Là encore la légende voudrait que ce fût un chef inventif, au service d’un grand bourgeois qui, au XVIIe siècle, aurait créé le massepain et à la fin de sa vie, retournant dans sa ville natale de Lübeck aurait ouvert une usine de massepain.
Dernière version, peut-être la plus vraisemblable, en 1407, une terrible famine s’abattit sur les villes du nord de ce qui n’était pas encore l’Allemagne. À Lübeck la situation était encore plus terrible à Lübeck, car la ville était assiégée Le conseil municipal ordonna alors de fouiller les entrepôts du port, et l’on y découvrit une grande quantité de miel et d’amande dans un entrepôt abandonné. Un boulanger eut alors l’idée de confectionner un pain avec le miel et l’amande. Une réussite et la ville fut sauvée de la famine grâce à la pâte d’amande. C’est ainsi que serait né le massepain de Lübeck.
Mais rassurez-vous, JPK a raison car la production de mazirpan est traditionnelle sur les rives de la Baltique, et tout aussi anciennement que celui de Lübeck, à Königsberg Königsberger Marzipan.
JPK, lorsqu’il dîne en famille, dans un restaurant du centre de Kaliningrad, ne peut résister au potage Bagration.
Celui-ci porte « le nom d’un général géorgien qui a combattu à Eylau » mais c’est une invention de Carême surnommé au XIXe « le Napoléon des casseroles ». JPK note que normalement c’est un consommé de poissons mais là il est « composé de choux et de crème aigre avec quelques morceaux de saucisse… » et que cela ressemble à une garbure.
JPK prend goût à la cuisine russe.
« Elle se joue du contraste et même de la discordance : l’aigre-doux, la crème fermentée, la saumure et le velouté. Sous le piquant, le mordant ou l’épicé perce la suavité. Une préparation à l’aspect mastoc et indigeste se révèle un prodige de légèreté, presque immatériel. Une tension perpétuelle règne entre la texture et le goût. Elle surprend toujours. La saveur réside pour une large part dans son caractère élémentaire, peu transformé en même temps qu’imprévu. Il y a quelque chose d’increvable, voire de jusqu’au-boutiste dans ce corps à corps culinaire. En apparence rudimentaire, ce goût n’a jamais dit son dernier mot et se plaît à renverser les apparences. Rien ne lui résiste – excepté peut-être la vodka. Seul défaut de ces préparations : elles s’accordent difficilement au vin qui ne parvient pas à s’introduire au cœur de ces nourritures. Le vin est un trouble-fête, il est indésirable. Malgré sa puissance, le vin de Géorgie que nous dégustons est exterminé promptement par cette cuisine invulnérable. »
Beau morceau que l’on devrait proposer à la lecture de tous les apprentis blogueurs culinaires…
« Une fois de plus je suis frappé par l’analogie entre cuisine et territoire… » note-t-il.
Et ça me fait repenser au délicieux livre de Wladimir et Olga Kaminer La cuisine totalitaire.
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Et JPK à la fin du repas peut déguster un havane « en Russie, qui n’est pas gagnée par notre fièvre hygiéniste, il est permis de fumer au restaurant. Apparemment, le cigare n’est pas encore désigné à la vindicte publique. »