En 1988, suite aux accords de Matignon, j'ai accompagné H. Nallet en Nouvelle-Calédonie. Avant de nous y rendre nous avons poussé jusqu'à Wallis-et-Futuna pour aller soutenir le candidat radical de gauche aux législatives : Camillo Gata qui fut élu. 33 heures d'avion : Paris-Nouméa avec UTA, puis Nouméa-Mata-Utu avec un Transaal de l'armée de l'air. Dix heures de décalage horaire, l'autre bout de la terre.
Le Figaro écrit : « C'est une première depuis 37 ans. Ce lundi 22 février François Hollande se rendra à Wallis-et-Futuna, dans le cadre d'un voyage qui le mènera également en Polynésie française et en Amérique du Sud. Même s'il ne devrait rester que quelques heures sur l'archipel, le déplacement présidentiel est l'occasion de rappeler l'existence de ce territoire du bout du monde, d'à peine 14.000 habitants… »
Pour le décalage horaire voir ICI + 11 heures (Wallis et Futuna est tout près de la ligne de changement de date le 180e méridien (est et ouest) dans l'océan Pacifique)
Revenons au kava que le lavelua le roi coutumier de Wallis va bien évidemment faire déguster à François notre roi républicain en signe de bienvenue.
Dans ce lointain archipel du Pacifique Sud, partie intégrante de la France depuis 1961, les institutions de la République cohabitent avec trois rois. Celui de Wallis est le Lavelua.
En septembre 2014 Kapeliele Faupala désigné Lavelua d'Uvéa en juillet 2008 a été destitué. La décision a été prise par les différentes chefferies de l'île.
« Mardi 2 septembre 2014, la nouvelle de la destitution du souverain de 74 élu depuis 2008 claque comme un coup de tonnerre dans l'atmosphère paisible de ce petit royaume au coeur du Pacifique. Il avait succédé à Tomasi Kulimoetoke qui avait régné 48 ans.
Sa destitution apparaît comme le résultat de tensions grandissantes au sein même de la Grande Chefferie. Il lui est reproché un manque d'implication dans ses fonctions et des décisions trop autoritaires. C'est d'ailleurs le limogeage de son Premier ministre (le "kivalu") -le deuxième en quelques mois- qui va provoquer cette dernière crise qui lui coûtera sa fonction. L'homme était apprécié pour sa mesure.
Les familles royales de Wallis cherchent depuis un an un nouveau Lavelua. La royauté n'est pas héréditaire mais le résultat d'un accord sur une personnalité de lignée royale. Historiquement on a vu des discussions prendre des mois, voire des années.
Maleto Liufau, le Faipule du district sud, le chef des 10 villages du sud (sur les 21 villages dans les 3 districts) a clairement tracé le route à suivre : "Il est vrai que nous sommes sans Roi ni kivalu. La priorité pour la Chefferie est le choix d'un Roi. Cela réalisé, ce sera au nouveau souverain de choisir son Premier ministre".
Une position des 23 chefs de Districts qui a le mérite de mettre les points sur les "i" pour ceux qui auraient des velléités d'inverser l'ordre coutumier de nomination.
Des échanges ont lieu au sein des grandes familles, le sujet est aussi évoqué lors des "tauasu", ces réunions des villageois autour d'un kava le soir sous le "fale". Mais rien ne filtre. »
Vers une abolition de la monarchie à Wallis et Futuna ?
J’avoue ne pas savoir quel lavelua accueillera notre François mais moi j’ai bien connu Tomasi Kulimoetoke II qui avait régné 48 ans sur Wallis. De quoi faire rêver notre François avec son quinquennat tout riquiqui.
Je m’explique :
« À notre arrivée dans une atmosphère d'étuve, la journée commençait. L'administrateur supérieur nous attendait en uniforme blanc impeccable sur le tarmac. Son chauffeur, un imposant Wallisien conduisait la R25 climatisée pieds nus. Pour respecter la coutume nous sommes allés rendre visite au roi d'Uvéa, le lavelua, chef de la hiérarchie coutumière, Tomasi Kulimoetoke II, et sacrifié à la cérémonie du kava, la boisson traditionnelle élaborée à partir de racines de plantes.
Nous étions assis en tailleur, face au roi entouré de toute la chefferie, sous l'auvent du palais. La préparation du dit kava, dans un récipient en bois, n'avait rien de ragoûtant. En effet, le préposé plongeait ses grands battoirs dans le récipient puis essorait les racines comme si c'était une serpillière.
À mon côté l'attachée de presse du Ministre me serrait le bras
- On ne va pas boire ça ?
Entre les dents je lui murmurai : « Si ! »
Je crus qu'elle allait tomber dans les pommes. La dégustation commença (Périco devrait s'y coller un jour) par le Ministre. On lui tendit une coque de noix emplie d'un liquide brunâtre. Il s'acquitta avec dignité de ce geste rituel de bienvenue.
Jean-François Merle, l'homme DOM-TOM de Rocard, me tapota sur l'épaule, « on dit que c'est un aphrodisiaque... »
Quand vint mon tour j'y suis allé avec le sourire. Le breuvage était amer et la suite me prouva que ses effets étaient purement diurétiques. L'attachée de presse se fit porter pâle.
L’ensemble de la chronique ICI
Pour terminer cette chronique Le Figaro, qui n’aime rien tant, comme le bibendum de Barcelone, que de se faire la fiole des fonctionnaires publie ce dimanche : Wallis-et-Futuna, ce havre fiscal rémunérateur pour les fonctionnaires métropolitains
Wallis et Futuna bénéficie de quelques particularités fiscales et statutaires: en plus de s'apparenter quasiment à un «paradis fiscal», Wallis et est également la partie du territoire où les fonctionnaires venus de métropole sont les mieux rémunérés.
« Sur Wallis-et-Futuna. Le traitement de base est en effet majoré de… 105%, un chiffre bien supérieur aux pratiques dans les autres départements ultramarins (Guadeloupe, Martinique Guyane, Réunion et Mayotte) ou l'on se situe plutôt entre +40% et +50% hors primes. Seules quelques îles polynésiennes très excentrées font «mieux» avec une majoration de +108%.
A cela se rajoute une «indemnité d'éloignement» qui, pour Wallis-et-Futuna, représente 9 mois de traitement supplémentaire. Comme les contrats durent deux ans, le fonctionnaire est payé... 42 mois sur ces années, soit 18 mois de primes. »
L’article ICI
Max Radiguet dans Les Derniers Sauvages. La vie et les mœurs aux îles Marquises (1842-1859) écrit :
« À un mille du rivage, nous rencontrâmes un groupe de Canaques présidé par Iotété. Couchés à terre, les uns à plat ventre, les autres assis avec des poses que peut seule affronter leur échine élastique, ils formaient le cercle autour d’un vase de bois plein au trois quarts d’un liquide mousseux, et tenaient en main des paquets d’une racine à peu près semblable à la réglisse (la racine du Piper methysticum). Tous se livraient à une mastication acharnée de cette racine et lançaient à l’envi des jets de salive écumante dans le récipient commun. – Iotété, après nous avoir serré la main, nous fit asseoir auprès de lui, nous présenta une poignée de racine et nous pria de participer à la singulière besogne qui s’accomplissait et qu’on nous dit être le kava. Nous connaissions déjà de réputation cette fameuse liqueur polynésienne, dont l’influence sur l’organisme est telle qu’on ne saurait s’y adonner avec suite sans faire peau neuve, à peu près comme les reptiles au printemps. Ne sachant trop si tous ceux qui concouraient à la fabrication du liquide étaient tenus d’en boire, nous nous récusâmes. Iotété insista, et par politesse nous dûmes céder. »