Chaque matin mon écran me dit que j’ai beaucoup d’amis sur face de bouc… mais mon petit doigt me dit « sur combien pourrais-tu compter » ? Les doigts d’une main y suffiraient ! Ceux-là j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Les yeux de ma mère comme chante ce déjanté d’Arno.
Arno qui sait si bien redonner vie aux mots du grand Jacques Brel.
L’amitié de Montaigne et de La Boétie qui pourtant ne se sont connus et fréquentés que pendant les quatre dernières années de la vie du dernier. Ils avaient, en ce qui concerne l’amitié, des attentes sensiblement différentes.
« Ces deux textes se situent l’un en amont, l’autre en aval de la rencontre qui a vu éclore l’amitié entre les deux hommes. Cette rencontre a lieu vers 1558. A cette date, le Discours sur le servitude volontaire, est écrit depuis plus de 9 ans. Quant à l’Essai De l’Amitié, sa rédaction débute en 1572 et se poursuit avec les ajouts de l’exemplaire de Bordeaux jusqu’en 1588. Lorsque Montaigne en commence la rédaction, La Boétie est mort depuis presque 10 ans. L’idéal exigeant défini par le jeune homme et les regrets de l’homme mûr penché sur le souvenir d’une rencontre qui a beaucoup marqué sa jeunesse et que le temps écoulé idéalise peut-être, ont tous deux assez de force de conviction pour donner aux deux textes un accent différent. »
Montaigne et La Boétie : Deux images de l’amitié par Daniel Lefèvre Agrégé de lettres classiques Professeur honoraire 7 allée de La Pléiade 14200 Hérouville Saint Clair
La différence le ciment d’une vraie amitié !
« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et se confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles s’effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ».
Montaigne Essais, 1-28, De l’amitié.
Etienne de la boétie © Radio France - 2012
« C’est cela que certainement le tyran n’est jamais aimé ni n’aime. L’amitié, c’est un nom sacré, c’est une chose sainte : elle ne se met jamais qu’entre gens de bien et ne se prend que par mutuelle estime, elle s’entretient non pas tant par bienfaits que par bonne vie. Ce qui rend un ami assuré de l’autre, c’est la connaissance qu’il a de son intégrité : les répondants qu’il en a c’est son bon naturel, la foi et la constance. Il ne peut y avoir d’amitié là où est la cruauté, là où est la déloyauté, là où est l’injustice ; et pour les méchants, quand ils s’assemblent, c’est un complot, non pas une compagnie ; ils ne s’entraiment pas, ils s’entrecraignent, ils ne sont pas amis, mais ils sont complices.
Or, quand bien cela n’empêcherait point encore, serait-il malaisé de trouver en un tyran un amour assuré, parce qu’étant au-dessus de tous et n’ayant point de compagnon, il est déjà au-dessus des bornes de l’amitié, qui a son vrai gibier en l’équalité, qui ne veut jamais clocher, ainsi est toujours égale. Voilà pourquoi il y a bien entre les voleurs (ce dit-on) quelque foi au partage du butin, pour ce qu’ils sont pairs et compagnons et, s’ils ne s’entraiment, ils s’entrecraignent et ne veulent pas, en se désunissant, rendre leur force moindre, mais du tyran, ceux qui sont les favoris n’en peuvent jamais avoir aucune assurance, d’autant qu’il a appris d’eux-mêmes qu’il peut tout, et qu’il n’y a droit ou devoir aucun qui l’oblige, faisant état de compter sa volonté pour raison, et de n’avoir compagnon aucun, mais d’être de tous maître ».
La Boétie Le discours sur la servitude volontaire rédigé en 1549, La Boétie a juste 19 ans.
Bien sûr il y a les guerres d'Irlande
Et les peuplades sans musique
Bien sûr tout ce manque de tendres
Il n'y a plus d'Amérique
Bien sûr l'argent n'a pas d'odeur
Mais pas d'odeur me monte au nez
Bien sûr on marche sur les fleurs
Mais voir un ami pleurer!
Bien sûr il y a nos défaites
Et puis la mort qui est tout au bout
Nos corps inclinent déjà la tête
Étonnés d'être encore debout
Bien sûr les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr nos cœurs perdent leurs ailes
Mais mais voir un ami pleurer!