«Le feuilleter est presque aussi revigorant qu'un verre de chablis. À la lecture, ce palmarès des 200 personnalités les plus influentes dans l’univers du vin est comme un élixir dynamisant, un concentré d’optimisme, de fierté, avec même les arômes délicats d’une certaine prospérité que l’on ne rencontre plus tous les jours en France…
Le regard de la RVF « … est tout sauf matérialiste. Nous célébrons ici des savoir-faire, le goût de la transmission, l’amour des hommes (il y en a en chaque vigneron, on ne fait pas du vin sans amour), pas simplement des fortunes professionnelles ni des comptes en banque bien remplis. »
Amen !
C’est signé du Révérend Père Denis Saverot.
« Ils sont 200 personnalités incontournables de la viticulture française. Ceux par qui leur passion, leur puissance économique, leur inventivité font prospérer le vin français dans l’Hexagone et au-delà.
La presse fourmille de classement, le plus souvent fondé sur la fortune ou le chiffre d’affaires. Par sa dimension civilisationnelle, culturelle, artistique et humaine, le vin dépasse ces critères certes objectifs mais arides. Nous avons donc décidé de fonder notre palmarès des 200 personnalités du vin sur la notion d’influence. C’est-à-dire en essayant de mesurer le rayonnement de leur action professionnelle sur leurs clients, leurs concurrents, au sein même de leur entreprise et aussi, naturellement, en évaluant l’efficacité de leur travail pour promouvoir le vin français.
C’est justement cette notion d’influence qui fait cohabiter dans un même palmarès de « simples » vignerons tels que Thierry Germain (169e), qui cultive 28 ha de vignes dans la Loire, ou Anselme Selosse (62e), qui produit 57 000 bouteilles par an en Champagne, avec Pierre Castel (4e) qui revendique 640 millions de bouteilles par an.»
C’est ainsi que commence le papier de présentation du palmarès de la RVF
- Les incontournables de 1 à 50
- Les influents du vignoble de 51 à 150
- Il faut aussi compter sur eux de 151 à 200.
Ces 3 dénominations me font sourire, il est simple de contourner un incontournable croyez-moi, surtout si, comme les deux premiers, Bernard Arnault et Alexandre Ricard, il n’y a guère de chance de les croiser sur les chemins du vin français ; les influents, eux, sont souvent, comme les intrants, il est possible de s’en passer sans prendre de risques démesurés ; enfin les 50 petits derniers apprécieront le aussi. Mais, ceci écrit, ne comptez pas sur moi pour affirmer que, parmi les 200 certains, n’ont pas leur place ou que leur rang est injustifié. Même si je me dis que pour une fois les absents sont bien contents de ne pas en être.
Ce qui me pose question c’est :
- La notion d’influence.
- La légitimité d’un jury, composé pour la plus large part de dégustateurs, pour mesurer le rayonnement des élus et évaluer l’efficacité de leur travail.
Dans notre beau pays, le plus bel et le plus vieil outil de mesure de l’influence est le Who’s Who, tu en es ou tu en n’es pas, et tu es classé par ordre alphabétique quel que soit ton poids spécifique. On te demande si tu veux en être, si oui tu rédiges ta notice et tu n’as pas intérêt à la bidouiller comme beaucoup de CV.
Bref, je trouve affligeant ce genre de classement qui repose en grande partie sur la gueule du client, avec tout ce que cela comporte comme arrière-pensée de retour sur investissement. Quant aux notices, signées par l’un des classificateurs, certaines valent leur pesant de cirage de pompes, d’hypocrisie – celle de B&D a la gueule d’une notice boursière – ou de mauvaise foi.
Tout ça n’a guère d’importance mais à force de se payer de mots on les dévalue ce qui n’est pas sans conséquence dans le peu de crédit qu’accordent les citoyens-consommateurs à leurs décideurs, à leurs médias.
L’influence c’est quoi ?
Depuis toujours, des hommes cherchent des voies et moyens pour obtenir d'autrui un acte ou un consentement, sans menace ni contrepartie, mais simplement en modifiant sa perception ou son opinion. Force de la persuasion, gagner les cœurs et les esprits, prestige de l’image, storytelling propagande, publicité, lobbying, diplomatie publique ou d'influence stratégique... et maintenant d’e-influence.
Cela s'appelle l'influence.
La relation d'influence s’exerce :
- Dans un rapport entre individus : par l'attraction ou la séduction de son image ou de son exemple, par des paroles convaincantes, par divers stratagèmes…
- Dans un rapport social : toutes les croyances communes, habitudes, normes, stéréotypes..., tout que nous recevons de notre groupe ou de notre milieu, tout ce qu'il y a de collectif en nous témoigne à un degré ou à un autre d'une influence : une part énorme de notre vie psychique nous a été inculqué ou suggéré, même s'il nous est désagréable de l'admettre.
En sens inverse, des minorités actives peuvent réussir à imposer leurs idées ou valeurs, à renverser des conservatismes ou conformismes et faire adopter leur nouvelle norme à une majorité comme si elle avait toujours pensé ou désiré cela dans le tréfonds de nous-même…
- dans un rapport politique : des élus sur leurs électeurs par la propagande ou la communication politique pour gagner leurs votes et conquérir le pouvoir ; des électeurs sur les élus via les médias, associations, ONG, manifestations, groupes d'intérêts… pour peser soit directement, soit via l'opinion publique sur l'exercice effectif de ce pouvoir. Ce n'est pas par hasard que l'on parle de groupes de pression ou d'influence.
- dans un rapport stratégique, entre les différents « acteurs » dont les volontés s'opposent : chacun recherche la victoire en utilisant au mieux ses atouts. Gagner ! Des parts marchés. Des clients. Sceller des alliances. OPA. La guerre économique. L’espionnage économique. Obstacles aux échanges. Protectionnisme. Droits des marques…
- Dans un rapport « idéologique » d'influence de propagation de l'idéologie. C’est le combat pour gagner des têtes. La notion même d'idéologie implique expansion et conversion, processus où les moyens de faire croire ne sont souvent pas moins importants que le contenu de la croyance contagieuse.
L’idée que l’influence est inséparable de l’action économique, ou, si l’on préfère qu’il est aussi important de communiquer que de produire ou de vendre n’est pas exactement nouvelle.
Désormais, l'entreprise doit mobiliser des relais dans l'opinion pour susciter une forme d'adhésion, notamment : envers l'image qu'elle souhaite incarner en mettant en avant ses valeurs par les méthodes dites de storytelling où elle formule son histoire, une saga dans laquelle ses salariés et ses consommateurs se reconnaissent.
L’intelligence économique, l'acquisition de l'information stratégique, la veille mondiale, la protection et le contrôle de l'information sensible, sont d’une grande importance dans le poids spécifique de leur influence sur les marchés financiers et commerciaux, sur les décideurs politiques de tous niveaux, nationaux, mondiaux, OMC, UE, multi et bilatéraux, sur les experts, les agences… Ce sont les actions de lobbying qui consistent à agir par l'information sous toutes ses formes - argumentation, séduction, négociation... pour obtenir des détenteurs de l'autorité une loi, un règlement ou une décision favorables.
« L'influence dans le domaine économique fait désormais interface entre l'économie au sens classique (la production, la répartition et la consommation de ressources rares) et deux autres domaines fondamentaux de l'activité humaine. D'une part, la politique : l'acteur économique cherche à modifier en sa faveur certaines décisions qui, en principe, ne devraient être régies que par les critères du Bien Commun. D'autre part, qu'il s'agisse de rendre ses produits plus désirables, d'améliorer ou de protéger sa propre image, toute stratégie économique intègre des facteurs non quantifiables, culturels ou sociaux : des "courants" de consommation, des attitudes face à l'entreprise ou à certaines formes de production, des comportements en réponse au risque (technologique, écologique, éthique), de nouvelles formes d'expression, mais aussi des modes inédits de socialité... »
Ceci écrit, et sans que l’on sache très bien dans ce classement qui influe sur qui ou sur quoi, il est légitime de se poser la question comment les notateurs de la RVF ont-ils procédé pour mesurer le rayonnement des récipiendaires et évaluer l’efficacité de leur travail ?
Mystère !
Pour classer, il est nécessaire de peser, de noter, d’évaluer, donc sans être mauvaise langue il est possible d’imaginer que, tel le grand Bob, nos classeurs se sont basés sur une notation sur 100. Il serait plaisant d’accoler cette note en vis-à-vis de chaque nom. Pour ne froisser personne, ce n’est vraiment pas le but de l’exercice, sauf pour le Dr Rigaud qui clôt - rien à voir avec le champagne - la liste, l’utilisation du ½ point s’impose.
Je plaisante à peine.
Pour le reste il vous suffit, comme moi dans la douleur, de vous délester de 6,50€ afin d’acquérir ce numéro dans lequel Antoine Gerbelle est encore dans l’Ours : viré depuis !
Quelques commentaires de dégustation :
- Les Ministres passent, Le Foll (151e) Jérôme Despey (3e) comme les fonctionnaires reste… c’est la règle mais ce n’est pas pour autant que le monopole de la FNSEA sur la vigne ait apporté un nouveau souffle sur celle-ci.
- Lolo (23e), le héros de la COP 21 et grand organisateur de pinces-fesses au Quai, qui est plutôt tango au coude à coude avec le bad boy de Bordeaux (24e) qui lui est à 1000% rock-and-roll.
- Les coopérateurs d’Oc, Boris&Joël, le grand retour : Calmette (35e) et Castany (36e) les frères ennemis de l’Aude et de l’Hérault embrassons-nous Foleville !
- Exit le grand Jacques des pays d’Oc au profit du bien pâle porte-serviette Simonou (42e)
- Alain Vauthier (75e) le discret stratège de Saint-Émilion, ha, ha… il ne mentionne plus sur sa prestigieuse étiquette le classé A accordé à des galapiats… sacré Alain !
- Jacques Dupont (112e) l’infatigable arpenteur des petites appellations de l’Hexagone (sic) et allié du groupe de lobbying Vin&Société (re sic) pour Vino Bravo. Vraiment torchée cette notice.
- Antoine Arena le patriarche de Patrimonio (137e) ho, ho… avec le jeune Simeoni aux manettes à Ajaccio peut-être qu’Antoine prendra la peine de descendre chez les sudistes.
- Antonin Iommi-Amunategui, le blogueur fort en gueule, l’animateur de la nuit des vins nus, n’est que (191e) presqu’à la queue, normal… alors que la madame qui l’a précédé au palmarès elle est passée à la trappe.
Mais où est donc passée Isabelle Saporta ?
Moi je l’aurais bien vu ex-aequo à la 28e place au plus près de l’homme aux bottes blanches et au petit sécateur.
Et Miren de Lorgeril, la lauréate Entrepreneure de l'année de la Tribune Women's Awards 2015 –
Caramba un gros raté !
Pauvre Christian Paly le président de l’INAO vins n’en est pas, est-ce à dire que l’INAO compte pour zéro il n’y a qu’un pas que je ne franchirais pas au vu des ennuis des recalés de la dégustation. Mais bon la RVF ne s’attache pas à ces petits détails de la vie vigneronne puisque pour elle le renouveau du bio c’est Chapoutier et Gérard Bertrand. Ne riez pas camarades cavistes alternatifs amateurs de vins nature Denis Saverot passe de temps au Jeu de Quilles pour vous caresser dans le sens du poil.
Je m’en tiens là, il y a tant et tant dans ce classement de pépites porteuses de beaux encarts et de présence salonarde que, si je perdurais dans mes railleries, mon ami JP. Lubot en serait bien fâché. Comme la dernière fois je lui ai fait voisiner la porte de Marie-Claire ce ne serait guère charitable.
Faut pas fâcher à la veille de Noël « paix sur la terre aux hommes de bonne volonté… »