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20 janvier 2016 3 20 /01 /janvier /2016 06:00
Goutte de Poire William passerillée de Laurent Cazottes, « Trois Morceaux en forme de poire » d’Erik Satie mais connaissez-vous la poire d’angoisse et la Poire des papes ?

Cette chronique est dédiée à un Jean-Baptiste fidèle lecteur... lui seul comprendra pourquoi...

 

Commençons avec légèreté : plus le poirier est vieux, plus il est fécond, de son bois les luthiers font des bassons…

 

En avant la musique !

 

En 1864 pour célébrer la première de La Belle Hélène l’opérette de Jacques Offenbach, sur un livret d’Henry Meilhac et Ludovic Halévy, Auguste Escoffier, dit-on, invente la poire Belle Hélène.

 

En septembre 1903 Erik Satie a composé une suite pour piano « Trois Morceaux en forme de poire ». Les critiques estimaient que sa musique manquait de structure alors avec humour, il a expliqué que si sa musique avait une forme de poire, on ne pourrait plus lui dire que ses compositions étaient sans forme ! »

 

En 1959, Sacha Distel, guitariste de jazz, qui vivait une histoire d'amour passionnée avec Brigitte Bardot se lance dans la chansonnette avec « des pommes, des poires et des scoubidous… » l'adaptation française d'Apples, Peaches and Cherries, un tube de Peggy Lee, composé par le poète américain Abel Meeropol alias Lewis Allan.

Mais connaissez-vous la poire d'angoisse et la poire des Papes ?

 

Patience, patience, avant la poire est le poirier : « Le poirier croît avec lenteur, il peut vivre très longtemps.

 

Les luthiers en font des bassons, des flûtes et autres instruments ; les charpentiers l'emploient dans les menues pièces du rouage des moulins, les menuisiers pour en faire des meubles, les ébénistes pour la marqueterie »

 

J’aime le bois, surtout les bois fruitiers…

 

« Le bois du poirier est pesant, d'un grain très-uni, fin, serré et d'une couleur rougeâtre ; il n'est pas sujet à être attaqué par les vers. Il prend la teinture noire on ne peut mieux, et ressemble alors tellement à l'ébène, que l'œil s'y trompe et qu'on ne le reconnait qu'à la différence de pesanteur spécifique. Selon Varennes de Feuilles, le pied cube de ce bois pèse soixante-dix-neuf livres cinq onces quatre gros, quand il est vert, et cinquante-trois livres deux onces, quand il est sec. Il travaille et diminue de près d'un douzième de son volume ; mais il lui arrive rarement de se fendre. Pour la gravure et la sculpture en bois c'est un des meilleurs qu'on puisse employer, après le buis et le cormier. »

 

 

D’où vient notre poirier ?

 

« Le poirier, du temps d'Homère, était déjà cultivé. Dans son Odyssée (1, VII, v. 116), le prince des poètes le cite parmi les arbres qui ornaient le verger d'Alcinoüs. Apios était le nom que les Grecs donnaient ordinairement au poirier cultivé ; les Latins l'appelaient pirus, nom qui tire son origine du celtique peren, bien plus vraisemblablement que du mot grec pur, feu, étymologie fondée sur ce que les fruits du poirier ont la même forme que la flamme qui se termine en pointe. Pline a commis à l'égard du poirier une erreur singulière : il le place au nombre des arbres qui croissent rapidement et durent peu, tandis que c'est tout le contraire : le poirier croît avec lenteur, il peut vivre très longtemps et acquérir, par les années, une grosseur assez considérable. Théophraste, observateur plus judicieux, remarque que plus le poirier est vieux, plus il est fécond ; rien n'est plus vrai. M. Bosc a vu des poiriers auxquels on attribuait trois à quatre siècles d'âge et qui étaient extrêmement productifs. On parle d'un poirier d'Erford, en Angleterre, ayant dix-huit pieds de circonférence. Disséminé dans les forêts de l'Europe tempérée, où il est indigène, le poirier ne forme jamais à lui seul des forêts entières. Moins difficile que le pommier sur l'exposition et la nature du sol, il réussit dans les terrains secs et pierreux ; il y enfonce avec force ses racines et s'introduit jusque dans les fentes des rochers. Cependant une terre grasse et profonde est celle qui lui convient mieux. ».

 

Frédéric Cuvier, Dictionnaire des sciences naturelles, F.G. Levrault, 1826.

 

Originaire, comme beaucoup de fruits, de l’Asie centrale, le poirier Pyrus communis s’est répandu dès l’époque néolithique dans toute l’Europe occidentale (on a d’ailleurs retrouvé des pépins de poire dans de nombreux sites préhistoriques).

 

La culture proprement dite de la poire aurait commencé en Chine, plus de 4000 ans avant notre ère. Les Grecs semblent avoir apprécié les poires, Homère dans l’Odyssée, les décrit comme un cadeau des dieux, grandi dans le jardin d’Alcinoos, roi des marins Phéaciens. Pyrrhus, roi d’Épire, victorieux de deux grandes batailles contre les Romains, est un grand amateur de poires. Il en plantait partout où il allait combattre. Il aurait introduit la poire en Italie. À Pompéi, on a retrouvé des poires dans les ruines de la ville détruite par l’éruption du Vésuve en 79.

 

Ce sont les Romains qui, pratiquant systématiquement la greffe «Greffe tes poiriers, Daphnis, tes petits neveux en recueilleront les fruits», chantait Virgile, développèrent le nombre des variétés : Caton n’en cite que six, Pline déjà plus de quarante, et on en recensait une bonne soixantaine à la fin de l’empire romain.

 

À Rome, on mangeait déjà la poire crue ou cuite ; les moins bonnes étaient transformées en alcool : le Poiré, ou en vinaigre.

 

À Byzance on se délectait de poires en gelée, transformées en confitures ou bien cuites dans du vin.

 

Au Moyen-âge, une liste de 209 variétés de poires est envoyée au Duc de Toscane. Charlemagne aurait constitué la première collection de poires en France. Les meilleures poires s’appelaient «Saint-Rieul», l' «Habisteau» et « Bon-Chrétien ».

 

Louis XI était certain de guérir grâce à ses poires parce qu’à cette époque, on pensait que les poires favorisaient une bonne digestion.

 

Aux banquets de Charles VII à la fin du XVème siècle, on servait des poires au sucre en fin de repas, recommandées par les médecins ! On pensait que la poire était bien plus utile accompagnée de vin rouge et d’épices.

 

Un siècle plus tard, Montaigne qui voyage s’étonne de déguster de la poire fraîche, séchée ou en compote non seulement dans les desserts mais aussi, en Europe centrale et orientale, avec les viandes comme aromate et condiment.

 

Louis XIV aime tant les poires qu’il fait planter de nombreux poiriers dans le Potager du roi. La poire devient un met royal !

 

C’est Jean-Baptiste de la Quintinie qui ayant abandonné sa carrière de juriste pour s’adonner au jardinage (le droit mène à tout) se verra appeler par le roi Soleil pour superviser les vergers et les potagers cultivés pour la table de la cour.

 

Dans son verger on recense 500 poiriers. Dans son ouvrage épique Instructions pour les jardins fruitiers et potagers il décrit la variété dite bon-chrétien qu’on appelait Williams en Angleterre :

 

« … mais particulièrement le coloris incarnat, dont le fond de son jaune est relevé, quand elle est à une belle exposition, luy attire l’admiration de tout le monde ; […] elle réjouit tous les jours le curieux qui veut la regarder, tout de même que la vue d’un bijou, ou d’un trésor, réjouit le maître qui en est le possesseur ».

 

En traversant l’Atlantique pour atteindre les USA elle sera baptisée Bartlett du nom d’un horticulteur local.

 

Jean de la Quintinie, popularisera la poire à travers des variétés aux noms évocateurs : Muscate, Frangipane, Cuisse-Madame, autant de promesses de voluptés…

 

En Angleterre, en 1842, 700 variétés de poires sont cultivées.

 

Le caricaturiste Philippon se moque de Louis Philippe, roi de France, en le dessinant avec une tête en forme de poire…

 

À l’heure actuelle, il y aurait dans le monde plus de 15 000 variétés mais 2000 variétés sont recensées dont une dizaine seulement se retrouve sur nos étals, la plupart datant du XVIIIème siècle et du XIXème siècle : la Guyot et la Williams sont disponibles dès l’été, les autres variétés sont disponibles en automne et en hiver Beurré Hardy, Comice, Passe-Crassane, Conférence

 

 

Certes, certes me direz-vous mais quand saurons-nous ce que sont la poire d’angoisse et la poire des Papes ?

 

Bientôt mais pour vous détendre faites donc le poirier « Tenir en équilibre sur les mains, les pieds en l'air et la tête en bas » et pour parfaire votre culture je vous conseille de lire cette chronique sur la poire de terre 

 

Et puis entre la poire et le fromage

 

« Ne dis pas au maître

 

À quel point le fromage est bon avec les poires »

 

Al padrone non far sapere

 

Quanto è buono il formagio con le père

 

« Ne dis pas au paysan

 

À quel point le fromage est bon avec les poires

 

Mais le paysan, qui n’était pas couillon,

 

Le savait avant son maître. »

 

Al contadino non far sapere

 

Quanto è buono il formagio con le père.

 

Ma il contadino, che non cra era coglione,

 

lo sapeva prime del padrone.

 

J’y viens, j’y viens, en attendant vous prendrez bien une petite Goutte de Poire William passerillée de Laurent Cazottes avant d’aller acheter votre poire chez votre boucher

 

En boucherie, la poire est une pièce qui se situe au niveau de l’arrière-train du bœuf, au-dessus de l’araignée.

 

Ce morceau de première catégorie en forme de poire, ce qui lui donne son nom, est un muscle à fibres courtes pesant de 500 à 600 grammes. C’est un morceau du tende de tranche, ensemble de muscles sur la face interne de la cuisse. Ces muscles, relativement peu sollicités, donnent une viande très tendre, particulièrement fine et fondante. Avec le merlan, l’araignée et la fausse araignée, la poire fait partie des « morceaux du boucher ».

 

Son appellation courante dans les bistros et restaurants de « poire du boucher » n’a rien à voir avec la « poire de boucher », ou de bouchet, qui est une poire grosse, ronde, tendre et blanche, mûrissant à la mi-août.

Goutte de Poire William passerillée de Laurent Cazottes, « Trois Morceaux en forme de poire » d’Erik Satie mais connaissez-vous la poire d’angoisse et la Poire des papes ?

Mais non, mais non, je ne me fiche pas de votre poire… même que je vais vous dire que bien sûr vous pouvez la manger, la poire pas ma pomme, crue, avec sa peau ou pelée, mais aussi qu’elle est aussi succulente cuite :

 

  • Au four : ha, les poires cuites de mémé Marie !

  • À la vapeur

  • Pochée 
photos Thomas Straub in Cuissons éditions Keribus
photos Thomas Straub in Cuissons éditions Keribus

photos Thomas Straub in Cuissons éditions Keribus

Antoine Gerbelle ‏@GerbelleLaVie  Crème b. poire W. sorbet vanille : triple lutz d'un crémeux fruité inoubliable #clapclap #philippemille @lescrayeres

 

  • Rôtie

  • Poêlée

  • En croûte…

 

Avec ça vous prendrez bien un petit coup de Poiré !

 

C'est une boisson traditionnelle de la Haute comme de la Basse Normandie obtenue par fermentation du jus de poires fraîches.

 

Elle était considérée comme la boisson des plus pauvres, le poiré, à base de poires, était fort répandu et, coupé d'eau, constituait une boisson pour les enfants.

 

Il est principalement produit dans les régions de Domfront et de Mortain.

 

Culture des poires et culture de la poire : les peintres ont toujours été inspirés par les poires.

 

Vincent Van Gogh Nature morte aux poires

 

Giuseppe Arcimboldo (1527-1593) fait usage de la forme de poire dans ses portraits fantastiques entièrement constitués de fruits.

 

Goutte de Poire William passerillée de Laurent Cazottes, « Trois Morceaux en forme de poire » d’Erik Satie mais connaissez-vous la poire d’angoisse et la Poire des papes ?

Mais pour finir, en ce temps où l’on nous parle de barbarie, rappelons-nous les raffinements de la Sainte Inquisition :

« Je vous présente des poires de bon-chrétien pour des poires d'angoisse que vos cruautés me font avaler tous les jours. »

 

Molière - La comtesse d'Escarbagnas – 1671

 

Au Moyen-Âge pour ne plus les entendre les hurlements des torturés, un bon moyen consistait à leur enfoncer dans la bouche un instrument qui, selon Larousse, « s'ouvrait au moyen d'un ressort, se développait en forme de poire, et étouffait complètement les cris »

 

La poire d'angoisse était un instrument de torture. 

 

 

 

Elle aurait été inventée au XVIe siècle par un voleur nommé Palioli avec la complicité d'un serrurier parisien.

 

Cet instrument était une sorte de petite boule qui, par des ressorts ou une vis situés à l'intérieur, venait à s'ouvrir et à s'élargir, de sorte qu'il n'y avait aucun moyen de la refermer sauf à l'aide d'une clé. Elle était placée dans la bouche des victimes.

 

Tom Fontana créateur américain de la série “Borgia”, écrit « Dans mes recherches sur l'époque des Borgia, j'ai essayé de trouver des faits authentiques qui soient étonnants pour des hommes d'aujourd'hui. Quand j'ai découvert le supplice de la « poire papale » [une scène particulièrement gore à découvrir dans le deuxième épisode, ndlr], j'ai eu moi-même du mal à y croire. Les débuts de la Renaissance constituent un cadre particulièrement stimulant pour une fiction : c'est la jonction d'une ère de ténèbres, riche en barbaries de toutes sortes, et d'une période humaniste, brillante, où émergent des génies comme Léonard de Vinci. »

 

La poire du pape était réservée aux sodomites, aux femmes soupçonnées d'être coupables d'union sexuelle avec le Diable (sic), aux prédicateurs hérétiques… elle était affublée de dents acérées qui s’écartelaient en tournant une vis… et elle était placée dans le lieu où l’on avait péché…

 

Voilà chers lecteurs, je n’ai pas coupé la poire en deux… je vous ai livré un panier de poires… à vous d’en faire ce que vous voulez…

 

« Cette expression ne semble apparaître dans la littérature qu'après les années 1880. En 1882 Félix Galipaux et Lucien Cressonnois, publient une saynète où discutent deux personnages, intitulée «la poire en deux». Les deux personnes, sont sur une scène et se disputent le fait de pouvoir déclamer chacun leur texte qui est en vers. Après quelques échanges, l'un propose à l'autre de «couper la poire en deux» et de réciter chacun leur tour quatre de leurs vers. Ils finiront par se séparer sans avoir dit leur texte.

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commentaires

B
Superbe article ! Quel boulot et quel talent...<br /> Félicitations<br /> Bernard
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J
merci Bernard
P
Bien bel article documenté.<br /> <br /> Je signale qu'il existe encore des amoureux du patrimoine de la poire qui conservent, multiplient et greffent de vieilles variétés. A titre d'exemple il y a Eric Dumont dans l'Aube qui fait ce travail de conservation. C'est un descendant de Virginie Baltet qui a sélectionné et obtenu cette poire à laquelle elle a donné son non.<br /> <br /> Je pense me souvenir que la poire d'angoisse terrorisait les esprits éclairés de la Renaissance. Erasme a su jusqu'où il devait critiquer. Savonarole, et Giordano Bruno n'ont pas eu le même réalisme. <br /> Peut-on penser que le verre INAO est piriforme ?
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