Inlassablement, contre les vents et marées contraires, affrontant les effluves nauséabondes de face de bouc, résistant au déclinisme ambiant, ferraillant contre la bêtise, je poursuis mon œuvre d’éducation populaire sans afficher la pauvreté de mon extraction.
C’est mademoiselle Brye qui, à l’école Sainte-Marie, m’a fait aimer l’Histoire de France passionnément.
Je crois que c’est ainsi que l’on devient Français, j’ose écrire que c’est ainsi qu’on aime son pays.
Vercingétorix à Alésia, Clovis, le vase de Soissons, la succession de nos rois, Roland à Roncevaux, Mazarin, Richelieu, Marie de Médicis, Sully, Turgot, les montagnards et les girondins, Bonaparte au pont d’Arcole, la Commune de Paris, le petit père Combes, Clémenceau le Tigre, Jaurès, Léon Blum, le colonel de Gaulle, des dates, des batailles Bouvines, Azincourt, Fleurus, la Marne… des traités, le camp du drap d’or, du sang, des trahisons, des grands hommes… des érecteurs de cathédrales… le terreau sur lequel j’ai grandi et qui me tient debout dans un monde fragmenté alors qu’on le dit globalisé.
Alors ce matin je vais faire dans la légèreté en évoquant les cartes allégoriques très en faveur aux XVIIe et XVIIIe siècles.
La Géographie galande
« Quatre provinces » forment le royaume de Galanterie.
« Situé entre la mer d’Imprudence, au sud, et les monts de Despence, au nord, ce royaume est divisé en quatre provinces : l’Opulence, le Jeu, l’Amour, la Bonne chère.
Les fleuves Politesse, Délicatesse, Appétit, Profusion et Ragoust irriguent cette dernière province, avant de se déverser dans le lac de Gourmandise… »
« Huit des dix villes situées en Bonne Chère existent réellement. Elles doivent leur présence à la géographie gourmande du XVIIe siècle :
Angoulême, promue capitale de la province – faut-il voir la réputation de ses pâtés ? –,
Mayence, sans nul doute pour ses fameux jambons et,
Pour leurs vins, Beaune, Condrieu, Chablis, Frontignan, réputé pour son muscat, la Ciotat et Mâcon. Quant aux villes de Graves et de Muscat, elles portent des noms de vins.
« La carte gastronomique dressée étant avant tout celle du vin – le jambon permet de pousser les hôtes à en boire toujours davantage – il est tentant de comprendre le statut de capitale octroyé à Angoulême peut-être moins comme (re)connaissance de ses pâtés, bien que les pâtés soient également associés à la consommation de vin, que comme l’évocation d’une expression proverbiale, attestée dans les années 1640 :
« Allé en Angoulesme, par la mesme allusion d’engouler, avallé, beu ou mangé ».
La présence de Malines ne laisse pas d’intriguer dans cette province de la bonne chère, si ce n’est pour appeler une autre locution proverbiale du Grand Siècle, « envoyer au païs bas », autrement dit boire les vins évoqués par les autres noms géographiques cités.
« Quoi qu’il en soit, la carte lie explicitement les plaisirs de la bonne chère à la qualité de mets et de vins indiquée par une origine géographique réelle… »
« La bonne chère cartographiée est très française, tant au sens strict de « françois » – la sous-représentation des vins du Bordelais, dont la présence se réduit à la seule ville de Graves, et la sur-représentation du vignoble bourguignon laissent à penser à une géographie gourmande d’un buveur du nord de la Loire – que par six des huit ville inscrites qui existent déjà. »
Source : Festins, ripailles et bonne chère au Grand Siècle de Florent Quellier chez Belin