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25 août 2015 2 25 /08 /août /2015 08:00
L’art pour lard : et pourquoi voudriez-vous que je mange de votre cochon ?

Vendredi et samedi j’ai voyagé sur les biroutes bretonnes qui présentent l’énorme avantage d’être gratuites. J’y ai doublé ou croisé beaucoup de gros camions, genre bétonneuse, emplis d’aliments pour le bétail : cochons, volailles et même les vaches. Mon œil avisé a pu aussi dénombrer de hautes usines où se concocte la ration de ces animaux cloîtrés.

 

C’est le modèle breton, hors-sol, fruit de l’étroitesse des structures de cette exploitation familiale chantée par les bonnes âmes, avec son marché au cadran, ses coopératives, ses groupements de producteurs et une flopée de transformateurs qui alimentent la GD. Les bretons sont industrieux, ceux qui croient détricoter leur modèle, tout comme ceux qui font accroire qu’on peut le remailler, se trompent lourdement et surtout, trompent aussi bien les producteurs que les consommateurs.

 

J’ai écrit ma thèse sur le cochon, au moment où le modèle breton a ramassé la mise contre tout le reste de la France, avec des PSC et du soja importés, alors que la fameuse PAC protégeait outrageusement les céréaliers français : pratique l’ONIC de 1936, quintessence du socialisme, pour les agro-managers beaucerons et champenois.

 

Bref, alors que le modèle atteint ses limites, dans la course à la productivité nos voisins allemands profitant du moins-disant social nous sont passés devant, on me dit qu’il faut que je mange du cochon breton pour sauver les éleveurs.

 

Pourquoi le ferais-je ?

 

Leur cochon, je ne dis pas qu’il n’est pas bon, il n’est rien, fade et sans goût, que du produit d’appel pour le moins cher du moins cher de la GD lorsqu’il est vendu frais, et ce n’est qu’une faible part ; et du minerai pour la grande majorité des transformateurs de charcuterie-salaisons. Je comprends parfaitement la logique économique de la Cooperl et de Bigard, sur un marché concurrentiel, le prix minimal ou pire le juste prix n’est qu’un argument électoral.

 

Que faire alors ?

 

Pas simple lorsque, comme Le Foll, on a les pieds dans le lisier. De toute ma vie je n’ai jamais vu un virage pris dans une période de crise aigüe. On colmate les brèches, on éteint le feu. Le problème c’est qu’on ne le prend pas non plus lorsque tout va mieux. Si j’en avais le temps et l’envie je vous conterais la belle et instructive histoire de la caisse de péréquation du marché du porc. Beau comme une mécanique qui ne fonctionne que dans un sens !

 

N’en déplaise à mes amis des circuits courts, des amoureux, dont je suis, des petits producteurs qui élèvent leurs cochons avec amour, la voie de sortie ne se situe pas là, je veux dire exclusivement par là pour une raison fort simple : la demande doit être au rendez-vous, et elle ne l’est pas, du moins massivement aujourd’hui.

 

Tant que le modèle dominant de consommation alimentaire restera ce qu’il est le modèle agricole des élevages intensifs restera ce qu’il est. Le virage, si virage il y a, ne se prendra que sous l’impulsion des consommateurs et ce ne sont pas les braiements de Périco ou du bouffeur d’andouillettes chez sa belle-doche qui changeront la donne.

 

Que nous le voulions ou non, que nous le regrettions ou non, nous sommes le SYSTÈME.

 

Je mange du cochon, et il est né et élevé dans le fin fond de la France, je l’achète chez mon charcutier, donc je me sens très à l’aise face aux suppliques diverses et variées.

 

Oui je mange aussi du lard, le plus souvent italien, de Colonatta, mais pas que, mais je n’en tire aucune gloire comme le font certains qui se prennent pour les Blondin du coin, adeptes de la sentence sans appel, du bien-vivre au village qu’ils ont quitté comme tout le monde, qui taillent des costards aux bobos de tous poils alors qu’ils ne sont que des vieilles couennes arrogantes et suffisantes.

 

Pour le plaisir je vous offre ce petit texte extrait du livre d’Yvonne Verdier « Façons de faire, façons de faire » chez Gallimard

 

« Les provisions de lard, le « channage », constituent le fondement de l’alimentation quotidienne et de la cuisine : lard de la potée, « c’était la potée tous les jours » ; chans de lard des quatre heures, froids, avec un filet de vinaigre sur le pain, «c’est fortifiant» ; «chaiveusri» des hommes, dans la cendre des grands brasiers, l’hiver, au bois, quand ils nettoient la coupe, et à l’automne, au bout des champs, quand ils brûlent les épines : «C’était du beau lard qu’on prenait dans son saloir, on l’enveloppait dans du papier et puis on le piquait avec un morceau de bois et on le fourrait dans la braise, et puis on attendait. Ça griottait et alors on se mettait ça sur son bout de pain ; j’aimais ça, le lard était doré, il était beau ». Saindoux et lardons composent le fond de cuisine principal. Toute recette commence ainsi : « Faire fondre du saindoux ou des lardons afin de jaunir vos pommes de terre, votre lapin, votre poulet… » ; « Du lard, du lard, en matière de cuisine, on ne connaissait que le lard. »

 

Bon maintenant les lardons c’est ça dans la GD, très attirant, ça donne envie…

L’art pour lard : et pourquoi voudriez-vous que je mange de votre cochon ?
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commentaires

D
Tellement bien dit. Ah les fameux adorateurs des circuits courts. Souvenir d'un caviste qui me rabâchait sans arrêt "il faut supprimer les intermédiaires, achetez en circuit court..;etc" , et qui piquait une crise quand un vigneron vendait en direct aux clients.....<br /> Ps : joli tacle au bobo barcelonais
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J
Bonjour,<br /> <br /> Article bien "senti" comme toujours. Pour se faire une idée de l'histoire du cochon, je signale le très beau petit ouvrage, bien documenté, de Michel Pastoureau, "Le Cochon", dans la collection "Découvertes" chez Gallimard. Bonne journée. Jean-Marc Gatteron
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