Nostalgie quand tu nous tiens, certains l’égrène à longueur de chroniques sur la Toile, le c’était mieux avant peuple les rêves d’un peuple vieillissant. Je m’y adonne aussi mais je ne conchie pas pour autant notre temps.
Même dans un monde qui change il est toujours possible de s’adonner, de se laisser aller à la contemplation, et les cafés, surtout leurs terrasses, sont encore des lieux où il est possible de se livrer à ce beau et merveilleux passe-temps.
Aragon, dans le Mauvais Plaisant, s’emportait :
« Je vais donc au café parce que cela me chante. Il passe plus de femmes dans les cafés que n’importe où, et j’ai besoin de ces allées et venues de femmes. J’ai besoin de l’éventail des robes dans le long chemin de mes yeux… »
Je n’ai jamais été un adepte des bistrots ou du café du coin, sauf de quelques petits rades fréquentés par de jolies plantes, mais un grand amateur des brasseries, avec leurs banquettes en skaï rouge, leurs chaises Thonet, leurs grands miroirs, avec leur terrasse protégée, leurs fauteuils en osier, leurs tables guéridons au plateau de marbre cerclé, leurs garçons au long tablier, leur caissière, leur décorum années 2O. C’était le lieu des bourgeois éclairés, des intellectuels engagés, des désœuvrés qui venaient « tuer le temps », voir défiler les jolies femmes, ces passantes qui déambulent sur les trottoirs, ses jambes de femmes, chères à François Truffaut, qui « sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie »
Là encore sans tomber dans la nostalgie, la plupart des grandes brasseries iconiques de Paris sont devenues des boites à touristes singeant un passé englouti.
Reste qu’il est toujours possible de fréquenter les derniers îlots de résistance ou d’exercer ses envies de contemplation, comme je le fais, sur des terrasses :
Dans son « Guide des jolies femmes de Paris » Pierre-Louis Colin l’affirme :
« Les plus grandes merveilles de Paris ne sont pas au Louvre.
Les plus grandes merveilles de Paris sont rue Montorgueuil. Là, dans une ambiance étourdissante de feu d’artifice et de jardin d’Éden, les jeunes femmes les plus belles arborent les tenues les plus indécentes et font admirer au rythme de leurs pas pressés des jambes nues et des poitrines hautes. Là, les fesses rebondissent en souriant, les teints hâlés distillent des promesses de luxure et des voilages légers laissent deviner jusqu’à l’extase des petits tétons sautillants.
La règle du jeu est simple, rue Montorgueuil : le mouvement compense l’impudeur. Le rythme urbain donne en effet à cet étonnant spectacle une furtivité permanente et lui impose une tension inouïe. À peine entr’aperçues, les filles disparaissent à jamais, laissant au spectateur haletant le sentiment d’un holocauste perpétuel. Dans chaque silhouette qui s’éloigne résonne ainsi tout le tragique de l’humaine condition : la finitude de l’expérience et l’irrémédiable cruauté du temps. »
« La profonde originalité du contemplateur en ces temps consuméristes : sa quête n’est pas de possession. Elle se nourrit de l’instant, elle sait la vanité des choses et c’est dans la certitude du destin contraire qu’elle trouve sa plus sûre motivation. Le contemplateur verse de l’eau sur le sable sans espoir d’y créer une flaque, juste pour la voir scintiller avant de disparaître. Il est semblable à ces rares amateurs qui parcourent les musées sans se sentir obligés d’en ressortir les bras chargés de guides ou de cartes postales. Il sait que l’on ne thésaurise pas ses émotions, pas plus que l’on ne possède la beauté qui passait.
« Y-a-t-il plus belle preuve d’amour qu’un amateur conscient de toutes les beautés de la rue et décidé, à la lumière de cette enivrante multitude, à en adorer une seule ? »
La réponse est dans la question : je n’ai pas l’esprit d’un collectionneur, j’en aime qu’une seule…
Légende de l'illustration
« Claire sortit pour se promener et voulu boire une boisson fraîche. Lorsqu’elle s’arrêta dans un café, elle laissa sur son passage un sillon de parfum et des hommes se retournèrent pour la contempler.
Indifférente, Claire s’assit en terrasse et absorbée dans ses pensées prit un livre et commanda un grand verre de lait fraise. Le soleil dardait ses rayons et lui caressait la peau. Claire leva la tête un moment et rêva… »
Claire.