La plus grande fierté dans ma vie professionnelle est d’en avoir consacré plus de 10 ans à son service, celui du bien commun.
Mathias Thépot celui qui mène l’entretien avec lui écrit : « Libre penseur et acteur prépondérant de la scène politique hexagonale durant plus de 40 ans, il s’est toujours attelé à prendre le recul nécessaire à sa fonction pour anticiper l’avenir. Un trait de caractère qui semble aujourd’hui disparaître chez les hommes et les femmes politiques qui n’ont plus les moyens d’exercer leur métier de la sorte.
Social démocrate à la vision très internationale, Michel Rocard se définit comme un réformiste donnant la priorité au dialogue social, un défenseur de l’économie de marché et un ardent régulateur. »
Lettre aux générations futures, en espérant qu’elles nous pardonneront chez Bayard 14,90€ est un livre revigorant qui me conforte et me réconforte sur mes choix de jeunesse assumé jusqu’à ma vieillesse que j’assume indigne face aux nains de la pensée et de l’action
« Nous subissons aujourd’hui le résultat de la période monétariste, dont les paradigmes sont faux. Cette impression que l’on veut nous donner que ce débat (monétaristes versus keynésiens) se trouve derrière nous est un discours de banquiers qui gagnent beaucoup d’argent alors qu’au même moment des populations connaissent la misère. Ces membres de la communauté d’affaires oublient aussi bien de chômage que la précarité, et plus encore – c’est cela le drame – toute la violence civile qui en découle.
Je vais aller plus loin : l’idée que l’économie parce qu’elle est économie, et qu’elle est donc spécifique au quantitatif marchand, pourrait fonctionner sans règle parce qu’on lui prête des vertus auto-équilibrantes que l’expérience ne démontre pas, confine au crime contre l’humanité. »
« Pour dire un peu autrement, je suis en colère devant la faillite des savants. Beaucoup de grands savoirs du monde moderne s’abritent et fuient les difficultés, notamment la violence qui résulte de l’aggravation des inégalités, par la spécialisation, le repli sur leur savoir propre (…) D’une certaine façon, j’y vois une nouvelle trahison des clercs. »
« Je vois une sorte de délit de fuite dans le repli des têtes pensantes sur leur propre discipline. »
« En somme, l’inverse de ce qui fait foi chez les politiques d’aujourd’hui. Je n’aime pas ne pas comprendre ce que je fais. »
« Personnellement je déplore appartenir à une grande maison, le socialisme français, où la mode n’est plus à penser. Mais ne vous y méprenez pas, c’est vrai aussi à droite… »
« Quand j’entends l’expression « manque de volonté politique », je sors mon révolver !
Les vertus que sont le courage et la volonté politique ne servent à rien si elles ne savent pas à quoi s’appliquer. Or la science ne dit plus à quoi il faut les appliquer. C’est donc d’intelligence qu’il s’agit d’abord, bien avant le courage. »
J’aime beaucoup le rêve de Michel Rocard d’interdire aux responsables politiques de « travailler le dimanche » :
« Cela leur permettrait de se reposer, de lire leurs dossiers, de réfléchir sur le long terme par rapport au court terme ou de s’occuper de leurs enfants : repos, tranquillité et sérénité à la maison »
« Oui, le plus terrifiant, c’est la dérive des médias qui consiste à fuir l’information – laquelle n’a, de toute façon, pas vraiment de clients, ni de demandeurs, coûte cher et ne rapporte pas d’argent – au profit du divertissement.
De toute évidence, pour le divertissement, une demande existe, certes « médiocrisante » et appauvrissante. Mais d’une part les télévisions et d’autre part les annonceurs s’en satisfont, puisqu’ils ont besoin comme Patrick Le Lay, l’ancien directeur de TF1, avait eu le courage de le dire une fois, de rendre le temps de cerveau des ménages disponible pour qu’ils intègrent le message des marques comme Coca-Cola. »
« Je suis convaincu que la disparition des formules de politesse est beaucoup plus grave qu’on ne le croit. Parce que les formules de politesse ne sont pas seulement des actes de courtoisie routinière, elles sont une reconnaissance mutuelle. C’est la mesure d’une nouvelle confiance que l’on peut faire à l’autre. Une condition sans laquelle il n’y a pas beaucoup d’échanges de savoir possible. »
Michel Rocard cite le politologue américain Benjamin Barber dans Démocratie forte qui constate « que des gens sont prêts à mourir ensemble, collectivement, pour établir la démocratie quand ils ne l’ont pas. Et que dès qu’ils l’ont, ils ne mettent que quatre ou cinq ans à ne plus participer aux élections, pour au moins la moitié. Ils se désintéressent en somme très vite du produit démocratie. »
« Concernant la France – même si je n’ai plus l’esprit à m’y intéresser isolément, car la faillite est davantage dans l’intelligence su monde – il lui faut sortir de ce refus de réformer au point d’être actuellement paralytique. À cause de cela, elle ne pèse plus sur les affaires du monde et de l’Europe. »
À chacun ses références et son échelle de valeur alors vous comprendrez aisément mon peu de goût pour les ébats de certains sur la Toile… Péché d’orgueil ? Oui !