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8 mai 2015 5 08 /05 /mai /2015 06:00
Merci oncle Bernard Maris d’aimer la France « La civilisation commence avec la politesse, la politesse avec la discrétion, la retenue, le silence et le sourire sur le visage »

Je dédie cette chronique à quelqu’un avec qui je partage un attachement profond à Bernard Maris.

 

C’est simple je ne m’en remets pas, son irremplaçable voix, son bel accent chantant, sa drôlerie, son impertinente sagesse me manquent chaque vendredi matin sur France-Inter.

 

Mais oncle Bernard, en une prescience dont lui seul avait le secret, le mardi 16 décembre, en fin de journée, au grand étonnement de son éditeur, Grasset, présentait son nouveau livre pas encore achevé. « Comme toujours il s’est montré charmant, rieur, incisif, convaincant »

 

« Nous nous sommes mis d’accord sur le titre. Et si on aimait la France, sans point d’interrogation, ni d’exclamation – il a insisté. Et sur la date de parution : avril 2015. Puis il est parti dans la nuit.

 

Le 2 janvier, Bernard nous a mailé les pages qui suivent, dont il était content. Elles nous ont plu. Passionnés.

 

Puis Bernard a été assassiné à Charlie Hebdo.

 

En accord avec ses enfants, Gabrielle et Raphaël, nous publions l’ouvrage dans son état originel, inachevé, mais nécessaire. »

 

Oui nécessaire même si ces quelques pages ne comblent pas le vide laissé par la disparition de notre oncle Bernard.

 

Pour le plaisir, tout d’abord une saine envolée de sainte colère, lorsque Bernard Maris fustige de sa plume acérée « les salauds qui conchient la France de bretelles, de ronds-points, de promotions immobilières, de supermarchés, de zones industrielles, d’immensités pavillonnaires parsemées de rues aux noms d’arbres, filles de tristesse d’architectes couverts par leurs maquereaux de promoteurs qui la bétonnent et la goudronnent… »

 

Les Inrocks soulignent à juste raison « De la vieille France qu’il a tant aimée, et toujours épaulée d’une kyrielle de références, Bernard Maris voudrait retrouver la galanterie.

 

« Chacun son camp : le duc de Nemours courtisant la princesse de Clèves, ou la pauvre Adèle de Pot-de-Bouille besognée sans façon par ses patrons. Et entre les deux les mille et une manières du commerce érotique, de Choderlos de Laclos à Henry Miller. Mais dans tous les cas, la galanterie est sublimation d’une pulsion. Ce qui n’est pas facile : les brames de cerf de Patrick Balkany lorsqu’il vit, à l’Assemblée, Cécile Duflot se présenter en jupe, en témoignent. »

 

Que je me sens proche du Bernard – qu’il me permette cette familiarité – qui fait l’éloge de l’amour courtois inventé chez lui, dans le Midi, où « le chevalier troubadour était capable de réciter ou de chanter des vers à sa belle pendant des heures, tandis que celle-ci commençait à se déshabiller partiellement ou peut-être totalement ; il ne la touchait pas. Cette magnifique exacerbation du désir et du contrôle de soi, à l’opposé de la scène porno ou du viol évidemment, me paraît appartenir à l’exception française. »

 

Oui Bernard cette hyper-politesse vis-à-vis des femmes est « une reconnaissance absolue de la supériorité féminine et de l’autorité de son corps, telle que, même dénudé, il impose le respect au mâle sauvage, lequel ayant su se dominer en devient humain… humain comme une femme. »

 

Oui, comme toi j’aime « faire la cour » car comme tu le soulignes : « qui fait « la cour » sinon les princes ? »

 

Dans le film de Jean-Paul Lilienfield, La journée de la jupe, Isabelle Adjani, la prof de français, « poussée à bout par la bêtise ricanante des petits mâles de sa classe, prend celle-ci en otage et exige… une journée de la jupe ! »

 

Pour Bernard, cette journée iconoclaste est tout simplement une journée « où les petits mâles apprendront à calmer leurs ardeurs et à laisser circuler une femme montrant ses jambes ; autrement dit, à voir autre chose dans une femme autre chose qu’un objet sexuel. Une simple beauté par exemple, dotée de belles jambes, ou mieux, une simple femme, dotée de jambes »

 

Femmes je vous aime ai-je écritet bien sûr une en particulier.

 

« À l’opposé de la galanterie, se situe le « respect », mot employé à tort et à travers par la racaille et les crétins. Le « respect » est celui de l’ordre. Si une fille se fait violer dans une tournante, c’est qu’elle a manqué de « respect » en faisant la pute. Si une autre se fait brûler vive, c’est pour le même manque de « respect » envers son petit assassin (…)

 

« La galanterie est une soumission du (présumé) fort au (présumé) faible. Le « respect », c’est la pratique cruelle de l’ordre mafieux. Tous les films sur la Mafia dégoulinent de « respect » pour les parrains, les anciens, les grands frères et le reste. La galanterie est donc, il faut le reconnaître, une des formes de la démocratie. En l’absence de politesse, règne la loi du plus fort. Comme la démocratie, la galanterie est un moment de modestie ; une modestie fine, intelligente, supérieure peut-être, snob souvent… »

 

« Dans tous les cas, c’est une preuve de civilisation. La civilisation commence avec la politesse, la politesse avec la discrétion, la retenue, le silence et le sourire sur le visage.»

 

Merci Bernard, sans doute seront nous taxés d’être vieille France mais, puisque je suis encore de ce monde, j’assume et je pratique sans restriction, sans doute à mon détriment au profit de ceux « qui en ont… »

 

Et puis, comme tu le dis si bien « les français inventèrent massivement, au XVIIIe siècle, la séparation du sexe et de la reproduction. Encore un témoignage de politesse. »

Merci oncle Bernard Maris d’aimer la France « La civilisation commence avec la politesse, la politesse avec la discrétion, la retenue, le silence et le sourire sur le visage »
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commentaires

P
Le dernier ouvrage de Bernard MARIS est sur ma table de chevet mais pas prêt d'être lu.Le deuil n'est pas fait . la lecture hebdomadaire de CHARLIE qui peine , c'est le cas de le dire, à trouver ses marques et ce n'est pas un reproche, rend toujours douloureux l'absence de l'édito, de la rubrique économique, du coin de l'obsédé ( sa passion pour l'histoire ) et surtout "Zarzelettre" car Bernard MARIS était un grand lecteur. Il dévorait carrément les ouvrages au point d'appeler ses lecteurs à la rescousse pour lui recommander tel ou tel ouvrage ou auteur. Dans un de ses textes il avait eu une appréciation, pour moi blessante, sur Bernard FRANK que je considère comme l'un des très grands écrivain du XX éme siècle. Je lui en avait fait le reproche.Il m'a répondu par une lettre qui justifie tous les termes élogieux de cette chronique et du commentaire de Bizot allant jusqu'à avouer s'être fait engueuler par Philippe LANÇON et reconnaître qu'il connaissait mal FRANK. Son appréciation négative et ironique était une réaction épidermique à un de ses commentaire sur CAMUS idole de Bernard MARIS. C'est cela aussi pour moi ONCLE BERNARD. Bien sur que j'aime la France, comment ne pas l'aimer et la chérir comme quelque chose de rare et de précieux mais pas cette France cocardière ou de " patrons" ( on ne vous a pas vu beaucoup à Londres clamât de Gaulle en les accueillant à la libération ) etc. etc. J'aime cette France qui sait nous donner des Bernard MARIS. Mais pour lire son ouvrage j'attendrais que les larmes brouillent moins ma vision.
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B
UN homme plein de tact, de courtoise, d'écoute et d'intelligence pour un autre regard sur notre monde. Pour beaucoup, certainement un "rebelle", qui venait remettre en cause leur pré carré de suffisance, construit sur les raccourcis et la facilité.<br /> Ils s'y reconnaîtraient s'ils fréquentaient ce blog, ce dont je doute. Même à faible dose, la liberté de pensée peut être nocive pour certains.
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P
La galanterie, la carte du tendre, le marivaudage ... comportements et cheminements si souvent tournés en ridicule ( ou aujourd'hui sujet à défiance - voir le numéro de CAUSETTE de mai 2015 et son article sur le "sexisme bienveillant" ) Alors que c'est la seule voie qui relie ces deux humanités à l'altérité radicale que sont les hommes et les femmes. Et qui est pleine de la divine surprise que peut constituer une femme qui se donne ( je ne dis pas qui s'offre) mille fois préférable à une femme qui se prend à la manière du soudard ou par la perfidie du serpent. Déjà RILKE, en 1904 déplorait les imitations des hommes par les femmes mais reconnaissait qu'il s'agissait d'une période transitoire qui<br /> aboutirait, " une fois finies ces périodes incertaines " et " quand la femme aura fait tomber les chaines de sa condition sociale" verrait la femme quitter un statut de simple complément pour devenir " une forme complète de la vie:la femme dans sa véritable humanité." Il rajoute que ceux qui ne sentent pas venir ce jour seront surpris et vaincus. Enfin que "pour ceux qui vivent mal ce mystère, qui se fourvoient,- et c'est le plus grand nombre,- le mystère n'est perdu que pour eux-mêmes. ils le transmettent pas moins aux autres comme une lettre scellée, sans en rien connaître." (In Lettres à un jeune poète chez Grasset éditeur) Mais on peut aussi aborder le sujet avec plus de légèreté qui sied mieux à un ouiken par un TP. On recommande la lecture du "Pain de Ménage" pièce en un acte de Jules Renard avec ce compliment si joliment tourné à propos d'un chapeau : "Il vous allait comme le beau temps à la nature" ( texte en accès libre sur Wikisource )
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L
Bravo pour votre article; J'ai bien fait de regarder le JT de F2 à 13h ce jour...J'ai ainsi fait votre connaissance...du soleil dans mon obscurité! la 'vieillerie' n'est pas souvent acceptée par l'entourage familial, si ce n'est le porte-monnaie!!!
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