Comme le chantait Gabin « JE SAIS, JE SAIS, JE SAIS, JE SAIS… »… les gens sérieux vont m’accuser de chroniquer en prenant un sujet grave par-dessus la jambe.
Détrompez-vous, mon approche couturière, celle de ma sainte mère, est justifiée.
Qu’est-ce qu’un biais ?
I.− Substantif
A.− Direction, forme, position oblique. Le biais d'un mur :
1. « Partout où j'apercevais quelqu'un qui pût me reconnaître, je tournais court, prenais un biais, et je m'enfonçais à perte d'haleine dans les sentiers étroits coupant les blés verts, ... » Fromentin, Dominique, 1863, p. 76.
− P. métaphysique :
2. « «J'ai remarqué maintes fois, mon ami, que les hommes d'action, les esprits fermes et résolus, même les plus ignorants, quand ils s'abattent sur les pures idées, y font des percées profondes; (...). Jetés à la rencontre dans la métaphysique, ils y chevauchent étrangement et la traversent par les biais les plus courts, par des sentiers audacieux et rapides. »Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 105.
− En particulier, COUTURE. La diagonale d'un tissu par rapport à la direction des fils :
Qu’est-ce qu’un biais en couture ?
En couture, un biais est une bande de tissu coupée dans l’oblique du tissu (généralement à 45° par rapport au droit fil).
Cette bande de tissu est ensuite pliée une première fois en son milieu dans le sens de la longueur (envers du tissu contre envers). Un nouveau pli est fait de chaque côté (envers du tissu contre envers). Ainsi cette bande de tissu est-elle « refermée » pour pouvoir être placée et cousue autour d’une emmanchure, d’une encolure, etc.
En science, un biais méthodologique est une erreur dans la méthodologie scientifique, le non-respect des règles de protocole, qui engendre des résultats erronés.
- L’alimentation bio réduit significativement les risques de cancer
Les plus gros consommateurs d’aliments bio ont 25% de chances en moins de développer un cancer, souligne une étude menée sur 70 000 personnes. La présence de résidus de pesticides dans l’alimentation conventionnelle est la cause la plus probable.
LE MONDE | 22.10.2018 à 17h00 |par Stéphane Foucart et Pascale Santi
Pour les agences réglementaires, les résidus de pesticides dans l’alimentation ne présentent aucun risque pour la santé. Mais un corpus scientifique récent, sur les effets des mélanges de molécules et des expositions chroniques à faibles doses, suggère que les risques posés par les traces de produits phytosanitaires sont, au contraire, bien réels pour le consommateur. Une étude épidémiologique française, publiée lundi 22 octobre dans la revue JAMA Internal Medicine, est la première à pointer de tels risques dans la population générale, s’agissant du cancer.
Elle indique que les plus gros consommateurs d’alimentation issue de l’agriculture biologique ont un risque de cancer réduit de 25 %, par rapport à ceux qui en consomment le moins. « Pour expliquer ces résultats, l’hypothèse de la présence de résidus de pesticides synthétiques bien plus fréquente et à des doses plus élevées dans les aliments issus de l’agriculture conventionnelle comparés aux aliments bio est la plus probable », indique Emmanuelle Kesse-Guyot, chercheuse (INRA) dans l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Inserm, INRA, université Paris-XIII) et coauteure de ces travaux. De fait, les types de cancer dont les risques sont les plus réduits chez les consommateurs d’aliments labellisés « AB » sont également associés aux expositions des agriculteurs aux pesticides.
Les lymphomes surreprésentés chez les agriculteurs conventionnels
Conduits par Julia Baudry et Emmanuelle Kesse-Guyot, les auteurs ont exploité les données d’une grande cohorte, dite NutriNet, de près de 70 000 volontaires suivis entre 2009 et 2016. Ils ont divisé en quatre groupes les individus, en les classant des plus gros consommateurs de bio (environ plus de 50 % de leur alimentation), à ceux qui n’en consomment que de manière occasionnelle, ou jamais. Durant les sept années de suivi, 1 340 nouveaux cas de cancer ont été enregistrés ; les auteurs ont ensuite observé la répartition de ces maladies dans les différents groupes.
Au total, en tenant compte de toutes les localisations cancéreuses, la baisse du risque est de 25 % pour le groupe le plus consommateur de bio par rapport au groupe le moins consommateur. Mais les réductions de risque vont jusqu’à 34 % pour les cancers du sein post-ménopause, 76 % pour les lymphomes (un type de cancer du sang). « L’une des grandes forces de ces conclusions est qu’elles sont largement cohérentes avec les résultats des études menées sur les expositions professionnelles aux pesticides, explique l’épidémiologiste Philip Landrigan (Boston College, Etats-Unis), qui n’a pas participé à l’étude. Cela renforce grandement la plausibilité d’un lien entre l’effet mis en évidence et la présence de résidus de pesticides dans l’alimentation. » Les lymphomes, notamment, font partie des cancers surreprésentés chez les agriculteurs exposés aux pesticides.
« C’est, à ma connaissance, la première fois que l’on met en évidence et à partir d’une enquête prospective [c’est-à-dire en suivant dans le temps un ensemble d’individus], un lien entre alimentation bio et risque de cancer, ajoute M. Landrigan. Les grandes forces de l’étude sont la taille de la cohorte et la durée du suivi. Il s’agit clairement d’une étude importante et ce résultat mérite beaucoup de considération. »
Nombreux biais possibles
L’une des difficultés de l’exercice est de corriger l’analyse de nombreux biais possibles. En particulier, des travaux antérieurs montrent que les consommateurs d’aliments bio ont en moyenne une alimentation plus saine, pratiquent plus régulièrement de l’exercice physique ou encore appartiennent à des catégories sociales plus élevées que la moyenne. Autant de facteurs qui influent sur le risque de contracter diverses maladies – dont le cancer.
Les auteurs ont donc corrigé leur analyse grâce au relevé d’un grand nombre de caractéristiques des individus de la cohorte : indice de masse corporelle, niveau d’activité physique, catégorie socioprofessionnelle, qualité du régime alimentaire, statut tabagique, etc. « La prise en compte de ces nombreux facteurs de risque est à mettre au crédit des auteurs, estime l’épidémiologiste Rémy Slama (Inserm, université Grenoble-Alpes), qui n’a pas participé à ces travaux. Au total, il est peu plausible que des facteurs liés au style de vie, autres que la consommation d’aliments bio, soient en cause dans l’effet observé. »
M. Landrigan met cependant en avant un biais de recrutement possible. « Ainsi que les auteurs le notent, la cohorte repose sur des volontaires. Or, ces derniers ont généralement un niveau d’éducation plus élevé que la moyenne et un style de vie plus sain, dit le chercheur américain. Cela peut jouer sur les résultats. » Emmanuelle Kesse-Guyot n’en disconvient pas, mais estime que cet effet de recrutement « aura plutôt tendance à sous-estimer l’effet observé que le contraire ». De fait, même les plus faibles consommateurs de bio de la cohorte ont sans doute un risque de cancer moindre qu’une grande part de la population réelle…
Le risque des aliments ultratransformés déjà démontré
« Cette étude s’attaque à une question compliquée, et il est toujours préférable d’avoir confirmation de l’effet mis en évidence par d’autres études, dit Rémy Slama. Mais il faut aussi avoir à l’esprit que ce nouveau travail s’ajoute à un édifice de preuves déjà important et qu’il reste dans la chaîne alimentaire des résidus de pesticides de synthèse classés “cancérogènes probables”, actuellement autorisés ou interdits, mais rémanents dans les sols et l’environnement. »
A elle seule, une étude épidémiologique ne peut apporter la preuve définitive d’une causalité et, précise Mme Kesse-Guyot, « d’autres études doivent être menées pour préciser le lien de cause à effet ». Mais, en cas de confirmation, conclut la chercheuse, « des mesures de santé publique devraient être mises en place ». En attendant, juge Emmanuel Ricard, délégué à la prévention à la Ligue contre le cancer, « l’attitude de bon sens est de limiter son exposition aux pesticides et autres substances de synthèse ».
D’autant plus que la cohorte NutriNet a déjà montré, en février, que les aliments ultratransformés étaient également un facteur de risque pour le cancer. En 2017, elle a aussi mis en évidence un risque diminué de 30 % d’être touché par un syndrome métabolique chez les plus gros consommateurs de bio, par rapport aux consommateurs occasionnels. Etablir la preuve définitive de la responsabilité des résidus de pesticides est, là encore, complexe. Mais une étude sur l’animal, publiée en juin dans la revue Environmental Health Perspectives par des chercheurs de l’INRA et de l’Inserm, a montré que des rongeurs exposés à un cocktail de six pesticides courants, fréquemment rencontrés dans les fruits et légumes et à des niveaux théoriquement sans risques, présentaient les mêmes troubles métaboliques : forte prise de poids, glycémie élevée et accumulation de masse grasse.
22 octobre 2018 Jean-Yves Nau
Bonjour
Refusant le conditionnel, le service de presse de l’Inra n’a pas résisté au point d’interrogation. Cela donne : « Moins de cancers chez les consommateurs d’aliments bio ? ». Et prenons le pari : c’est un communiqué de presse qui sera amplement repris. Comment pourrait-il en être autrement avec ce pitch :
« Une diminution de 25% du risque de cancer a été observée chez les consommateurs « réguliers » d’aliments bio, par rapport aux personnes qui en consomment moins souvent. C’est ce que révèle une étude épidémiologique menée par une équipe de l’Inra, Inserm, Université Paris 13, CNAM, grâce à l’analyse d’un échantillon de 68 946 participants de la cohorte NutriNet-Santé. »
L’affaire est aussitôt relayée par les militants de Générations Futures qui remplace le point d’interrogation par un autre, d’exclamation. « Une nouvelle étude INSERM/INRA montre que les consommateurs réguliers de bio ont un risque moindre de 25 % de développer un cancer par rapport aux non-consommateurs de produits bio ! ». Puis reprise par Le Monde (Stéphane Foucart, Pascale Santi) : « L’alimentation bio réduit de 25 % les risques de cancer. Selon une étude menée sur 70 000 personnes, la présence de résidus de pesticides dans l’alimentation conventionnelle explique ce résultat. »
Possibles biais
Tout cela en plein Salon international de l’innovation alimentaire organisé à Paris. Pourquoi, dès lors, aller plus loin que les titres ? Qui ira jusqu’à lire le travail scientifique qui justifie le communiqué de presse : The frequency of organic food consumption is inversely associated with cancer risk: results from the NutriNet-Santé prospective Cohort. JAMA Internal Medicine. 22 octobre 2018 (Julia Baudry, Karen E. Assmann, Mathilde Touvier, Benjamin Allès, Louise Seconda, Paule Latino-Martel, Khaled Ezzedine, Pilar Galan, Serge Hercberg, Denis Lairon & Emmanuelle Kesse-Guyot). Résumé de l’Inra :
« Le marché des aliments issus de l’agriculture biologique « bio » connaît un développement très important depuis quelques années. Au-delà des aspects éthiques et environnementaux, une des principales motivations de consommation est le fait que ces produits sont issus de modes de production sans produits phytosanitaires et intrants de synthèse et pourraient donc s’accompagner d’un bénéfice pour la santé. Toutefois, les rares données épidémiologiques disponibles ne sont pas suffisantes à l’heure actuelle pour conclure à un effet protecteur de l’alimentation bio sur la santé (ou un risque accru lié à la consommation des aliments issus de l’agriculture conventionnelle). Si la manipulation des intrants chimiques, en particulier via une exposition professionnelle chez les agriculteurs, a été associée à un risque accru de pathologies (en particulier cancer de la prostate, lymphome et maladie de Parkinson), le risque encouru via les consommations alimentaires en population générale n’est pas connu.
« Des chercheurs du centre de recherche en Epidémiologie et Statistiques Sorbonne Paris Cité (Inra/ Inserm/Université Paris 13/CNAM) ont mené une étude épidémiologique basée sur l’analyse d’un échantillon de 68 946 participants (78% de femmes, âge moyen 44 ans) de la cohorte française NutriNet-Santé 1. Leurs données relatives à la consommation d’aliments bio ou conventionnels ont été collectées à l’inclusion, à l’aide d’un questionnaire de fréquence de consommation (jamais, de temps en temps, la plupart du temps) pour 16 groupes alimentaires.
« Des caractéristiques socio-démographiques, de modes de vie ou nutritionnelles ont également été prises en compte dans cette analyse. Au cours des 7 années de suivi (2009-2016), 1 340 nouveaux cas de cancers ont été enregistrés et validés sur la base des dossiers médicaux. Une diminution de 25% du risque de cancer (tous types confondus) a été observée chez les consommateurs « réguliers » d’aliments bio comparés aux consommateurs plus occasionnels. Cette association était particulièrement marquée pour les cancers du sein chez les femmes ménopausées (-34 % de risque, score bio élevé versus bas) et les lymphomes (-76 % de risque). La prise en compte de divers facteurs de risque pouvant impacter cette relation (facteurs socio-démographiques, alimentation, modes de vie, antécédents familiaux) n’a pas modifié les résultats. »
Exclamation et « Nutrinautes »
Certes l’Inra précise que plusieurs hypothèses pourraient expliquer ces données : la présence de résidus de pesticides synthétiques beaucoup plus fréquente et à des doses plus élevées dans les aliments issus d’une agriculture conventionnelle, comparés aux aliments bio. Autre explication possible : des teneurs potentiellement plus élevées en certains micronutriments (antioxydants caroténoïdes, polyphénols, vitamine C ou profils d’acides gras plus bénéfiques) dans les aliments bio.
Certes Le Monde souligne que l’une des difficultés de l’exercice est de corriger l’analyse de nombreux biais possibles :
« En particulier, des travaux antérieurs montrent que les consommateurs d’aliments bio ont en moyenne une alimentation plus saine, pratiquent plus régulièrement de l’exercice physique ou encore appartiennent à des catégories sociales plus élevées que la moyenne. Autant de facteurs qui influent sur le risque de contracter diverses maladies – dont le cancer. »
Certes Le Monde convient que « d’autres études doivent être menées pour préciser le lien de cause à effet ». Et L’Inra corrige en soulignant que « le lien de cause à effet ne peut être établi sur la base de cette seule étude ». Reste les points, d’interrogation et d’exclamation, de préférence au mode conditionnel.
A demain
1 L’étude NutriNet-Santé est une étude de cohorte nationale réalisée sur une large population d’adultes volontaires (qui deviennent des « Nutrinautes » (sic) après inscription) lancée en 2009, dont l’objectif est d’étudier les relations nutrition-santé. Dans le cadre de cette étude NutriNet-Santé, le volet BioNutriNet s’intéresse à l’impact potentiel de la consommation des aliments en fonction de leurs modes de production (bio versus conventionnel) sur l’état nutritionnel, sur des marqueurs toxicologiques, sur l’environnement et sur la santé des individus.
Le recrutement de nouveaux volontaires pour participer à l’étude NutriNet-Santé se poursuit. Il suffit pour cela de s’inscrire en ligne (www.etude-nutrinet-sante.fr) et de remplir des questionnaires, qui permettront aux chercheurs de faire progresser les connaissances sur les relations entre nutrition et santé et ainsi d’améliorer la prévention des maladies chroniques par notre alimentation.