J’suis le premier, j’suis l’premier, Darmanin a tripatouillé les chiffres, crient les partisans de l’ex-futur Premier Ministre, Le Monde approuve, les En même temps pataugent lamentablement face aux futurs duels Nupes/RN, balancent des outrances, mais vraiment cette bataille de chiffonniers pour un tout petit paquet de voix ou pour la pêche aux voix pour être élu, est misérable, lamentable, et est la démonstration que nous n’avons pas encore touché le fond.
Le seul parti qui a gagné est celui des abstentionnistes, ces Français qui ne vont plus à la pêche mais trainer leurs godasses dans la rue, avec ou non des Gilets Jaunes, le parti des contre tout et le contraire de tout, le peuple dans la bouche de Mélenchon, mais un peuple qui ne lui donne pas sa voix.
La montée non démentie de l’abstention constitue l’autre alerte de ce scrutin. 48,95 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes dimanche. Quelque 23 millions se sont déplacés, les autres ont boudé leur bureau de vote, par indifférence ou colère, persuadés que la politique telle qu’elle fonctionne ne peut rien pour eux. Le chiffre atteint par l’abstention – 52,48 %, selon le comptage du Monde – constitue un record pour des législatives. Depuis 1993, il est en constante augmentation, quelle que soit la couleur des majorités élues. Cela ne dédouane en rien les responsables politiques actuels, car si l’objectif proclamé par tous est de réconcilier les Français avec la politique, on est très loin du compte.
Du côté d’Emmanuel Macron, la promesse originelle consistait à jouer sur le renouvellement du personnel politique et à user auprès des Français d’un discours de vérité, ancré dans le réel pour tenter de dépasser les conflits. Or, la plupart des candidats présentés aux législatives souffrent d’apparaître éloignés de leurs électeurs. En outre, la campagne de premier tour a ressemblé à un parcours d’évitement où il s’agissait d’en dire le moins possible sur les réformes pour ne pas réveiller les opposants. Cette posture, éminemment défensive, en dit long sur les mécomptes de la recomposition politique que le président de la République entendait conduire à sa main.
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui promettent une rupture avec l’ordre établi, butent quant à eux sur le même problème. C’est dans leur électorat respectif que le niveau de l’abstention est le plus fort : 50 % de ceux qui avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle se sont abstenus au premier tour des élections législatives, signe qu’ils ne croyaient pas beaucoup à son slogan d’être « élu » premier ministre. Le pourcentage d’abstentionnistes monte à 52 % chez ceux qui avaient choisi Marine Le Pen, selon une enquête Ipsos-Sopra Steria réalisée dimanche soir. La radicalité permet, certes, de se faire entendre, mais elle se révèle inopérante pour vaincre la chape de défiance qui grippe le pays. Le risque est donc grand de voir le nouveau théâtre politique se dérouler à guichets fermés, faute d’une masse critique de citoyens suffisamment impliqués par le spectacle.
LES MAL ÉLUS
Par JACQUES FAUVET.
Publié le 11 septembre 1946
Des élections partielles au conseil général ont eu lieu dimanche dans plusieurs départements. Le corps électoral s'en est parfaitement désintéressé. Dans les quatre circonscriptions, la moitié des électeurs a préféré s'abstenir. Et, par la grâce ajoutée d'un ballottage majoritaire, le conseil général de Rive-de-Gier ne représentera qu'un peu moins du quart des électeurs inscrits.
Voilà qui éclaire d'un jour singulier les discussions qui retiennent l'attention des constituants depuis une semaine. C'est à ces " mal élus " que les uns veulent confier et les autres retirer le pouvoir d'élire les membres du Conseil de la République. Et ces derniers ne le leur refusent que pour le céder à de " grands électeurs ", éphémères sortis de la même chrysalide. C'est aussi, notons-le en passant, à ces " mal élus " que l'on voudrait parfois abandonner la pleine responsabilité administrative du département,
H est certes louable de vouloir que la seconde Assemblée représente les collectivités locales, mais encore faudrait-il qu'elles représentassent elles-mêmes quelque chose aux yeux du peuple souverain. Or la géographie humaine enseigne que si la commune demeure une réalité, le canton a cessé depuis longtemps d'en être une. Quel citoyen en connaît les limites et le chef-lieu même, s'il n'a une fois dans sa vie, affaire au juge de paix ou une fois l'an au comice agricole. Le conseiller général peut être l'élu des ruraux de sa circonscription. Il ne peut l'être de la plupart des citadins, pour qui les communautés naturelles, et plus encore administratives, ne comprennent que la ville et le département. La province aurait, à ce titre, plus de réalité humaine et politique. Et plus représentatif serait de l'ensemble des collectivités un conseil provincial de France qu'un conseil rural de la République.
On dira que l'électeur prêterait plus d'attention à son assemblée départementale si les membres en avaient plus de pouvoirs. Est-ce certain ? Ils avaient avant-guerre celui d'élire les membres du Sénat. Étaient-ils eux-mêmes mieux élus qu'ils ne le sont aujourd'hui ? Leur donnerait-on celui d'administrer pleinement le département qu'ils deviendraient rapidement tes représentants d'un parti et cesseraient d'être ceux du peuple.
C'est bien plutôt d'une réforme fondamentale du cadre administratif que dépend la survie des assemblées locales. Déjà les conseils d'arrondissement ont pratiquement disparu. Ils étaient devenus des assemblées fantômes, des salles d'attente où l'on respectait la succession d'un conseiller général. Le canton lui-même, n'est plus de ce temps. Il en est de " pourris " dont le représentant est élu par quelques centaines de votants alors que le conseiller voisin doit l'être par plusieurs milliers. La désaffection du corps électoral vient aussi de ce sentiment d'injustice et d'archaïsme. Déjà à l'étroit dans le département, la représentation proportionnelle le serait plus encore dans le canton ou l'arrondissement. Et l'on ne saurait voir en elle un remède à ces parodies du suffrage universel auxquelles donnent lieu les élections cantonales.
L'Assemblée nationale constituante devra en tout état de cause se contenter d'un pis-aller dont il devrait être entendu qu'il n'est que provisoire. Et l'on s'étonne qu'elle ait dépensé son précieux temps à vouloir ravaler un édifice dont le gros œuvre est vermoulu, à vouloir faire du définitif avec du provisoire. Le prochain Parlement devra bien plutôt et rapidement se consacrer à la remise en ordre, au remembrement des collectivités locales et surtout départementales pour en faire des cellules vivantes de la communauté française.
JACQUES FAUVET.