Avant de m’aventurer au pays du cochon, où tout est bon, quelques précisions afin que je ne vous égarasse pas :
- J’estime que Dom pour le sieur Derain ça colle bien à son côté chanoine jovial – Michel Rocard chez les scouts était hamster jovial – et gourmand. En plus, ça le place aux côtés d’une star incontestée des bulles Dom Pérignon.
- « un esprit sain dans un porc sain » n’est pas un extrait de ma plume mais une saillie qui a jailli de celle d’un bon vivant, Jacky Durand, grand voyageur amoureux de la cuisine de nos terroirs.
En ma vieille Vendée, les hommes, sur le coup des huit neuf heures, déjeunaient. Levés tôt ils devaient redonner du carburant à leurs corps. Souvenir, alors que je lichais mon cacao Poulain, de les voir engranger des tranches épaisses de lard.
Le sieur Derain perpétue cette tradition paysanne, en bon bourguignon – où tout n’est pas bon contrairement au cochon – en proposant aux petites louves et petits loups urbains, au petit matin, avant de faire goûter sa came, de se pourlécher les babines en dégustant, sur un bout de pain frais, une belle tranche de jambon persillé. Le tout arrosé de son fameux « Allez goûtons »
Faut les voir ces habitués du bol de pétales de maïs bio se presser devant la sainte table de Dom Derain, ils frétillent comme des alevins affamés, se poussent du col pour recevoir la becquée, roulent des yeux émerveillés comme s’ils venaient de communier sous les deux espèces. Extase, épectase, rite d’initiation…
L’érection de cette chronique a surgi, dans ce qu’il me reste de neurones, sur mon balcon alors que je consultais la bible de Jacky Durand Voyage amoureux dans la cuisine des terroirs.
Qui vis-je sous le chapitre « un esprit sain dans un porc sain » ?
Que cet explorateur de saveurs s’était aventuré, « un matin gris et froid de février » dans le laboratoire de la Triperie Dijonnaise qui « embaume la cochonnaille et le bouquet garni mijotant au long cours. »
Il y fut accueilli par Frédéric et Jean-François son prédécesseur et ancien propriétaire de la Triperie Dijonnaise jusqu’en 2009.
Celui-ci, à la retraite comme votre serviteur, fut « le gardien du temple du jambon persillé. » Pas encore « franchement rangé des jambons » il reste le « maître-étalon du goût du jambon persillé »
Sa recette à plus d’un demi-siècle, il l’a recueilli lors de son apprentissage à Vitteaux.
Pour le sieur Durand, « dans la catégorie charcuterie, on mise souvent sur le jambon persillé pour se rencarde sur le quidam qui l’a fabriqué et juger ainsi s’il s’agit d’un orfèvre de la chose porcine, ou au contraire un gâte-sauce massacreur de gorets. »
Alors je me suis dit que plutôt que d’escalader par la face nord ce monument de la gastronomie bourguignonne j’allais me contenter, comme le père Pinay de Saint-Chamond, d’emprunter à Jacky Durand quelques glanes de son immersion dans le laboratoire de la Triperie Dijonnaise.
Il me le pardonnera, nous sommes amis sur Face de Bouc.
- « Ce matin, à 4 h 30, il a démarré (Frédéric) la cuisson de ses viandes dans une imposante chaudière. Il y a là pas loin d’un quintal de cochon mitonnant doucement depuis quatre heures avec thym, laurier, épices et poireaux, pour faire le jambon persillé, mais aussi… »
- « Pour le persillé, il faut du jambon bien sûr, mais pas seulement, « car ce serait trop sec », expliquent en chœur le deux charcutier qui ajoutent de l’épaule de porc. »
- « Des tréfonds de la chaudière, Frédéric retire délicatement les morceaux de viande avec une large écumoire pour les poser sur le plan de travail où il va ensuite les débarrasser minutieusement du gras et de la couenne qui feront « la colle » du jambon persillé, puisqu’il n’est ici nullement question de pied-de-veau, de gélatine ou autre gelée industrielle pour assurer la cohésion du jambon persillé, petite merveille d’autarcie charcutière puisque rien ne se perd, mais tout se récupère dans le cochon. »
- « Il n’est pas loin de 10 heures. La confection du jambon persillé exige du temps… »
- « Frédéric a fini de préparer ses viandes pour le jambon persillé. Dans un grand bac de fer-blanc, il remue délicatement à pleines mains, à la recherche d’un petit os qui aurait échappé à sa vigilance et qui ferait désordre dans le résultat final. »
- « C’est un métier difficile, il faut beaucoup d’heures. Et puis la charcuterie n’est pas une science exacte, un rien peut changer les choses » (…) poursuit Frédéric en ajoutant un hachis d’ail, d’échalote, de persil, de l’aligoté et du vinaigre de vin rouge aux morceaux d’épaule et de jambon qu’il mélange doucement. »
- « Jean-François goûte le résultat. Silence. « Il faut que tu rajoutes su vin blanc et du vinaigre », souffle-t-il. »
- « Frédéric pose sur la table des moules à jambon, sortes de gros blocs métalliques dans lesquels il va assemble ses persillés. D’abord, en tapissant le fond avec de la couenne. Puis, il trempe chaque morceau de viande dans la colle chaude avant de les agencer minutieusement dans les moules. « Il faut tous les poser dans le même sens pour donner un bel aspect au jambon persillé »
- « Midi approche, les jambons persillés sont presque achevés. Le charcutier va les oublier, un peu, dans la chambre froide : « C’est comme les autres charcuteries, il faut attendre trois, quatre jours pour qu’elles renforcent leurs goûts. »
Voilà, c’est dit, « Allez goûtons ! »
Pour la chute, Derain bien sûr, sachez que le jambon persillé du Dom Derain est l'oeuvre de la maison Moron à Pommard et comme le fait remarquer avec malice Dominique c'est le jambon persillé de la maison Moron qui a fait la réputation de ce petit village de Pommard qui, accessoirement produit aussi du vin.
Moi mon Allez Goûtons je le puise, bien sûr, à ICI MÊME
68 Rue de Charenton, 75012 Paris