Une mosaïque vieille de 2400 ans a été trouvée en Turquie par des archéologues, avec comme illustration un squelette très décontracté, entouré d'une miche de pain et d'une outre de vin, donnant ce sage conseil : "Sois joyeux, vis ta vie."
Avant de me jeter dans la fosse aux lions, tel Daniel dans la fosse aux lions, permettez-moi d’apporter un peu d’eau à mon moulin.
Les 5 du vin je connais, je fus l’un des fondateurs au salon des vins de Loire. Si j’ai passé la main c’est que mon blog me prenait suffisamment de temps et que, n’étant pas comme mes collègues, un dégustateur patenté, je faisais un peu tache. Mon successeur, que j’ai adoubé, voit rouge lorsqu’on évoque les vins bio, frise l’apoplexie à propos de la biodynamie et, cerise sur le gâteau, gerbe sur les vins nus.
Ça ne me pose aucun problème, chacun ses goûts, l’acceptation de la pluralité des points de vue fait partie de ma culture, en revanche je n’ai que peu de goût pour la vindicte systématique.
Les catalans du nord, je connais, ayant sévi pendant quelques temps dans le département des Pyrénées-Orientales, comme médiateur lors de la grande débandade des Vins doux naturels. Je l’ai arpenté ce département sinistré, j’ai mesuré ce qu’une petite rente pouvait engendrer comme désastre économique et social, j’ai côtoyé ceux qui tenaient les manettes des organisations professionnelles, bref, sans me pousser du col, je suis de ceux qui peuvent mesurer la renaissance du métier de vigneron dans cette belle région.
Alors, lorsque Marie–Louise Banyols, des 5 du Vin, souligne dans sa chronique – Salon des vins naturels des Catalognes et d’Occitanie à Perpignan – le 10/05/2018, que « Ce salon confirme qu’un vent nouveau souffle depuis quelque temps sur le vignoble du Roussillon, grâce aux nombreuses installations de jeunes vignerons, souvent orientés vers une viticulture bio et une vinification naturelle. » j’apprécie.
Mais pourquoi diable se déclare-t-elle surprise ?
« Mais, c’est vrai aussi pour la Catalogne du Sud ou l’Occitanie. Ça ne cesse de me surprendre, ils étaient près de 90 exposants, certains déjà bien connus, d’autres, les «nouvelles pousses», comme les appelle Jean Lhéritier, ne demandent qu’à être découverts. C’est bien que Perpignan s’affirme comme un lieu de rencontre commun à tous ces «indigènes»; pour une fois, nos vignerons catalans n’ont pas à «s’expatrier» pour faire déguster leurs vins ! »
Pis encore, pourquoi regrette-t-elle, que ces nouvelles pousses fassent bande à part ?
« Un seul regret, les vignerons traditionnels et Dieu sait qu’ils sont également nombreux et de qualité, ne peuvent pas s’y exprimer! Normal, me direz-vous, ils ne sont pas natures ! Je répète les propos que je tenais l’an dernier en commentant ce même salon: faut-il vraiment diaboliser, pour employer un terme à la mode, écarter les vins traditionnels, pour mettre en avant les vins naturels ? Les deux peuvent parfaitement cohabiter, et tous les vins traditionnels ne sont pas ultra-standardisés, comme tous les vins nature ne sont pas à mettre à l’évier. Quand les vins sont bons, je ne leur demande pas leur feuille de route et je respecte le savoir-faire des vignerons « normaux », ceux qui vinifient en nature ne détiennent pas le monopole de la passion pour le vin, ni du plaisir des papilles ! Voilà ceci étant réaffirmé, je peux continuer… »
Je trouve assez plaisant l’inversion de l’argumentation en faveur des vins dit normaux, quant à mettre la passion pour le vin dans la balance pour plaider la cohabitation c’est pousser le bouchon au-delà de l’ostracisme dont ont été l’objet les vins nus de la part de la corporation des dégustateurs patentés.
Que de quolibets, de qualificatifs déshonorants : «Franchement votre vin d’évier qui pue, qui sent la bouse de vache, la serpillière mal essorée, la souris, les pieds mal lavés, le bouiboui, vous n’allez pas nous en faire tout un fromage qui pue… » proclamais-je en tant que procureur fasse à Me Morain lors du procès du vin nu intenté par Antonin le grand défenseur du vin nu.
Je poussais le bouchon très loin en martelant « Quand allez-vous arrêter de faire chier, avec vos breuvages indignes de la France profonde des terroirs, ces bons gaulois qui s’échinent à pulvériser, à araser, à round-uper, à faire vivre toute une flopée de marchands du temple, à donner une belle typicité à leur jaja en le boostant à coups de poudre de perlimpinpin.
Ce n’est pas en faisant faire trempette à vos gonades poilues, en foulant de vos pieds mal lavés les grappes vendangées par des bobos en manque de nature, que vous tirerez la quintessence du vin. »
Je ne conteste pas que les adeptes du vin nu peuvent être chiants, parfois arrogants, qu’ils font beaucoup de bruit médiatique, qu’ils savent bien communiquer, surfer sur la vague de l’opinion publique de plus en plus soucieuse de ce qu’on lui fait ingurgiter, mais n’oublions pas ce qu’ils ont pris dans la gueule par les tenants d’une viticulture qui n’a rien de normale, d’une œnologie corrective qui se planque sous le progrès, ils sont minoritaires, ignorés par les pontes de la FNSEA et consorts, alors à chacun son pré et les vaches seront bien gardées !
Voilà, c’est écrit, sans esprit de chapelle mais en étant soucieux de ne pas badigeonner l’histoire de bons sentiments qui n’ont pas été au rendez-vous lorsque les jeunes pousses ont pointé le bout de leur nez. Je ne demande à personne de battre sa coulpe, je ne bats pas la mienne, mais de grâce cessez de nous la jouer bisounours, « tous ensemble, tous ensemble, tous ensemble… »
Les vins nus ont foutu un grand coup de pied dans la fourmilière, et c’est heureux, qu’ils veuillent préserver leur écosystème des opportunistes, des gros faiseurs ouvriers de la 25e heure, c’est normal. Pour autant, je ne suis pas partisan de la stratégie de la forteresse assiégée, si des ponts se jettent entre celles et ceux qui promeuvent une viticulture soucieuse de son environnement, qui ne se cachent pas derrière un statut d’artisan pour vinifier comme les machines à faire du vin standard, je prends.
Bravo à Marie–Louise Banyols de s’être aventurée, pour la seconde fois, sur les terres de la bande d’illuminés des vins nus.
« C’était les 29 et 30 avril dernier à Perpignan, à la chapelle Saint-Dominique. Ils sont revenus, c’était la deuxième édition, j’avais beaucoup aimé l’ambiance bon enfant de la première, celle-ci s’est révélée encore plus agréable, moins de monde, week-end du 1er Mai oblige, même les aficionados des vins naturels font le pont ! Tant mieux, on y respirait mieux ! »
Indigènes II – Salon des vins naturels des Catalognes et d’Occitanie à Perpignan
10/05/2018 par Les 5 du Vin
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